lundi 16 février 2015

Les 796 de juin 1940

Le 10 mai 1940, la redoutable machine de guerre allemande se met en marche vers l'ouest. Belgique et France sont grandement menacés, et l'armée française va se retrouver prise dans un combat bref et brutal, mais si cette courte guerre a été couverte d'un point de vue terrestre, que faisait la toute jeune armée de l'air ? Est-ce que le ciel était vide, laissant le champ libre à la Luftwaffe ? C'est l'impression que l'on avait au moment de l'armistice. Pourtant après la Guerre, on parlera volontiers des "1000 victoires" de l'armée de l'air sur la Luftwaffe, alors qu'en penser ?

L'Armée de l'Air pendant la drôle de guerre...


Comme souvent, nous verrons que la réalité se situe entre les deux : le chiffre de 1000 victoire est grandement exagéré, mais l'armée de l'air va se battre férocement tout au long de la campagne de France.

En ce 10 mai 1940, contrairement à ce qui a beaucoup été dit, l'armée de l'air aligne une force moderne et nombreuses : 28 groupes de chasse au total, dont 15 sur Morane Saulnier MS.406, 8 sur Bloch MB.151/152, 4 sur Curtiss H-75, et le groupe 1/3 sur Dewoitine D.520, sans compter plusieurs escadrilles qui volent sur Potez 631. Au total, cela fait pas moins de 637 appareils, dont près de 610 sont de conception récente ! Il est vrai que l'approvisionnement et le convoyage de ces appareils depuis leurs usines de fabrication pose problème : ce sont souvent les pilotes eux-mêmes qui doivent aller les chercher. Il y avait au moment du déclenchement des hostilités une centaine d'appareils qui attendaient des hélices à Chateaudun par exemple !

Une paire de Hawk 75A patrouille avec des MS406. Il était en effet courant de mixer les appareils restants...


Un immense effort de modernisation avait été entrepris entre septembre 1939 et juin 1940 pour mpermettre à l'armée de l'air d'affronter la Luftwaffe dans de meilleures conditions. Certains de ces appareils comme le MS.406 ou le MB.152 sont largement surclassés par les Messerschmitt Bf 109E, mais les Curtiss H-75 et surtout le Dewoitine D.520 ont des performances bien supérieures, proche des appareils de la Luftwaffe.

L'armée de l'air pouvait également compter sur la motivation et la compétences de ses 796 pilotes de chasse. Tout au long de la drôle de guerre, ils avaient accumulés pas moins de 80 victoires, pour une perte de 63 appareils. Ce sont eux qui allaient subir l'assaut initial allemand, qui commença comme en Pologne et en Norvège par des attaques aériennes en masse sur les aérodromes belges, français et néerlandais : or grâce à la préparation de l'armée de l'air, la plupart des appareils ont été abrités ou ont pris l'air : la Luftwaffe ne parviendra à détruire qu'une quarantaine d'appareils français au sol, et beaucoup de pistes demeurèrent intactes, ce qui va permettre aux appareils de l'armée de l'air de continuer à opérer.

Briefing d'escadrille par un commandant entouré des lieutenants chefs de patrouille...


Les journées suivantes vont se dérouler dans une mêlée confuse au cours de laquelle l'héroïsme des pilotes français sera remarqué par les chefs d'escadrilles et l'état-major de l'armée de l'air. C'est par exemple le cas du groupe de chasse I/1 volant sur MB.152. Placé sous le commandement du groupe de chasse 23, chargé d'appuyer les opérations terrestres depuis l'aérodrome de Couvron, il allait se retrouver confronté aux forces allemandes en plein cœur du centre de la bataille de mai 1940 : face à la ruée des panzers contre Namur et Tirlemeont dans les Ardennes. Ils affrontent pour la première fois en masse les chasseurs allemands dans la région de Dinant, qui était encerclée par les panzer allemands. Au cours de combat aériens tournoyant, les pilotes français firent preuve d'habileté hors pair. A la fin de la journée, le I/1 pouvait revendiquer 7 victoires dont deux probables !



Le même jour, le II/5 affronte également l'ennemi. L'escadrille est dotée de Curtiss H-75 basé à Toul-Croix de Metz. La journée commence mal pour les aviateurs : une patrouille se perd et rentre presque à court de carburant. Le sergent Hémé doit même se poser en panne sèche dans un champ : son Curtiss va dévaler une pente, traverser une route, passe sous des fils téléphoniques avant que son aile ne coupe un poteau…son appareil s'arrête enfin, totalement détruit…heureusmeent le jeune sergent n'a rien…mais malheureusement cela fait déjà un bon avion de moins. La chance tourne cependant l'après-midi : une triple patrouille tombe sur une formation de 9 bombardiers escortés par 17 Bf-109 et 110. Le capitaine Destaillac se distingue en envoyant un Bf-109 au tapis dès les premières minutes du combat. Au  terme d'un combat féroce de 45 minutes, 4 appareils allemands sont envoyés au tapis, et deux appareils français ont été descendus, mais leurs deux pilotes ont pu sauter en parachute.

Le MS406, principal intercepteur français...


Le groupe II/5 n'en est pas à son dernier fait d'armes : le 3 juin 1940 aura lieu l'un des plus fort combat de cette courte guerre : 27 bombardiers Do-215 escortés par une trentaine de Bf-109 et 110 sont interceptés par deux patrouilles françaises au dessus de la Champagne. Les pilotes de l'armée de l'air attaquent par derrière en faisant un straffing sur les bombardiers, en endommageant un d'entre eux…mais les Bf-109 contre-attaquent immédiatement, attaquant les Curtiss français…pendant la demi-heure qui va suivre, c'est une mêlée tournoyante et confuse, près d'une demi-douzaine d'appareils allemands sont abattus.

Malgré la faiblesse des appareils français, les pilotes bien entrainés et très motivés font des miracles : pas moins de 35 victoires sont revendiqués pour la seule journée du 12 mai !



Le 16 mai à midi, le II/6 est attaqué sur son terrain de Maubeuge-Elesmes par une formation de Do-17…en 20 minutes, 4 des appareils ont été totalement détruits, 10 sont endommagés, de même que la piste. Il faut en urgence incendier les appareils qui ne peuvent prendre l'air, et l'ensemble de la base est évacuée par la route vers Chateauroux, où les pilotes seront reformés sur Bloch MB.152…il n'y a plus de Curtiss disponible en remplacement. Le II/6 est de nouveau attaqué le 5 juin par des Heinkel 111. Alerté, le groupe prend l'air, et revendiquera trois victoires.

Pendant ce temps là, le groupe de combat II/7, stationné à Luxeuil, va être équipé de l'appareil le plus moderne de l'armée de l'air : le Dewoitine D.520. L'un de ses pilotes, le sous-lieutenant Pomier-Layrargues va se distinguer le 5 juin : en patrouille dans le secteur de Compiègne et Estrées Saint-Denis, il se retrouve ainsi que son groupe face à des dizaines de Bf-109 : l'une des patrouille française est très rapidement anéanti. Une seconde patrouille, commandée par le capitaine Hugo, s'interpose, et Pomier-Layrargues cabre son D-520 en montant vers la patrouille de Bf-109, tirant une longue rafale qui met en feu le moteur du Bf-109 de tête. Il vient de descende le Hauptman Mölders, un as allemand au 34 victoires, qui allait être fait prisonnier par les forces françaises. Hélas, Pomier-Layrargues ne saura jamais qui il a abattu : pourchassé par 5 Bf-109 qui ne lui feront aucun cadeau, son appareil s'écrase en flamme au sol quelques minutes plus tard.

Chargement de bombes de 10kg à bord d'un Amiot 143...


On le voit à travers ces récits, les pilotes français ne restèrent pas à se tourner les pouces pendant cette courte campagne de France : pilotant des appareils souvent inférieurs à leurs adversaires, avec une infériorité numérique manifeste, ils se battirent comme des lions face à l'envahisseur. Du 10 mai au 25 juin 1940, c'est pas moins de 733 avions ennemis qui furent abattus, plus une centaine par la DCA, la Luftwaffe accusant la perte de près de 853 appareils au total . La plupart des victoires furent obtenus sur la période du 1er mai au 10 juin 1940, l'armée de l'air devant évacuer ses bases par la suite de l'avance terrestre allemande.

L'armée de l'air aura perdu au cours de cette campagne près de 850 appareils, dont la moitié en combat aérien. Mais les conséquences furent encore plus lourde pour la Luftwaffe qui se retrouva privée d'une force précieuse au moment de la bataille d'Angleterre. Le Feldmarshall Kesselring lui-même reconnu que l'engagement ininterrompu de la Luftwaffe lors de la campagne de France avait mis à genoux personnel et équipements, certaines unités tombant à 50% de leurs effectifs théoriques trois semaines après le début du conflit.

L'aviation de bombardement ne sera pas en reste...


La grande question qui se pose est combien d'appareils allemands ont été abattus par l'armée de l'air ? Durant la Guerre et jusqu'au milieu des années 70, on parlera volontiers des "mille victoires" de l'armée de l'air. Il semble cependant que ce chiffre soit une exagération de Vichy pour redorer le blason des aviateurs mis à mal par la défaite. Ce n'est qu'à partir de début des années 80 que des estimations plus réalistes ont commencé à émerger. Saluons au passage le travail d'Arnaud Gillet, le grand spécialiste de cette période qui au terme d'un travail d'enquête très minutieux est arrivé au chiffre de 355 avions abattus par la chasse française (et uniquement la chasse, pas la DCA)

Bien que l'on soit loin des "1000 victoires" revendiquées, l'Armée de l'Air se batit avec force et courage, et on peut constater que le sacrifice des pilotes de chasse français n'avait pas été vain : ils ont tout de même réussi à abattre en moyenne 9 appareils par jour…même si on constate que les pertes ont été plus lourdes que les victoires. Rendons hommage à ces fidèles aviateurs qui se donnèrent sans compter, et furent pour beaucoup oubliés une fois la victoire passée.

La fin... beaucoup d'appareils français seront utilisés par les allemands pour faire diversion et créer de faux aérodromes pour leurrer les alliés..


lundi 9 février 2015

Tableau de chasse de Concorde

Petit tableau de chasse des Concorde : ceux que j'ai vu, ceux que je vais voir un jour ou l'autre.

Pour rappel, Concorde, c'est 20 appareils produits, 1 détruit, 1 démantelé, et 18 exposés dans des musées...

Début 2015, je suis donc à 6 de visités (intérieur + extérieur), 4 vu de l'extérieur uniquement, et 8 encore à voir ! le tour du monde des Concordes continue !

Concorde numéro :     1
Immatriculation :     F-WTSS
Premier vol :     2 mars 1969
Dernier vol :     19 octobre 1973
Heures de vol :     812
Localisation :     Musée de l'air et de l'espace du Bourget
Statut :    Visité !






























Concorde numéro :     2
Immatriculation :     G-BSST
Premier vol :     9 avril 1969
Dernier vol :     4 mars 1976
Heures de vol :     836
Localisation :     Fleet Air Arm Museum de Yeovilton
Statut :    Non vu !


Concorde numéro :     101
Immatriculation :     G-AXDN
Premier vol :     17 décembre 1971
Dernier vol :     20 août 1977
Heures de vol :     632
Localisation :     Imperial War Museum, Duxford
Statut :    Visité !







----------------Concorde numéro :     102
Immatriculation :     F-WTSA
Premier vol :     10 janvier 1973
Dernier vol :     20 mai 1976
Heures de vol :     656
Localisation :     ex-Musée Delta d'Athis-Mons
Statut :    Vu !

F-WTSA côté pile
Et F-WTSA côté face !




Concorde numéro :     201
Immatriculation :     F-WTSB
Premier vol :     6 décembre 1973
Dernier vol :     19 avril 1985
Heures de vol :     909
Localisation :     Usine Airbus, Toulouse (puis Aéroscopia)
Statut :    Vu !

F-WTSB au musée Aéroscopia...

Cockpit de F-WTSB


Concorde numéro :     202
Immatriculation :     G-BBDG
Premier vol :     13 décembre 1974
Dernier vol :     24 décembre 1981
Heures de vol :     1282
Localisation :     Brooklands Museum (en), Weybridge
Statut :    Non vu

Concorde numéro :     203
Immatriculation :     F-BTSC
Premier vol :     31 janvier 1975
Dernier vol :     25 juillet 2000
Heures de vol :     11989
Localisation :     Détruit au décollage (Vol 4590 Air France) à Gonesse, près de Paris
Statut :    N/A

Concorde numéro :     204
Immatriculation :     G-BOAC
Premier vol :     27 février 1975
Dernier vol :     31 octobre 2003
Heures de vol :     22260
Localisation :     Aéroport de Manchester, Viewing Park
Statut :    Presque vu !

Arrêt à Manchester..hélas c'était fermé !
Autre vue de G-BOAC


Concorde numéro :     205
Immatriculation :     F-BVFA
Premier vol :     27 octobre 1976
Dernier vol :     12 juin 2003
Heures de vol :     17824
Localisation :     Centre Steven F. Udvar-Hazy, Washington D.C
Statut :    Vu !




Concorde numéro :     206
Immatriculation :     G-BOAA
Premier vol :     5 novembre 1975
Dernier vol :     12 août 2000
Heures de vol :     22768
Localisation :     Museum of Flight
Statut :    Non vu






Concorde numéro :     207
Immatriculation :     F-BVFB
Premier vol :     6 mars 1976
Dernier vol :     24 juin 2003
Heures de vol :     14771
Localisation :     Auto & Technik Museum, Sinsheim
Statut :    Visité !




Concorde numéro :     208
Immatriculation :     G-BOAB
Premier vol :     18 mai 1976
Dernier vol :     15 août 2000
Heures de vol :     22296
Localisation :     Aéroport Heathrow, Londres
Statut :    Non vu

Concorde numéro :     209
Immatriculation :     F-BVFC
Premier vol :     9 juillet 1976
Dernier vol :     27 juin 2003
Heures de vol :     14332
Localisation :     Aéroscopia, Toulouse
Statut :    Visité !




Concorde numéro :     210
Immatriculation :     G-BOAD
Premier vol :     25 août 1976
Dernier vol :     10 novembre 2003
Heures de vol :     23397
Localisation :     Intrepid Sea-Air-Space Museum, New York
Statut :    Non vu

Concorde numéro :     211
Immatriculation :     F-BVFD
Premier vol :     10 février 1977
Dernier vol :     27 mai 1982
Heures de vol :     5814
Localisation :     Accidenté, ses restes sont entreposés à Dugny, près du Bourget
Statut :    

Concorde numéro :     212
Immatriculation :     G-BOAE
Premier vol :     17 mars 1977
Dernier vol :     17 novembre 2003
Heures de vol :     23376
Localisation :     Aéroport international Grantley-Adams
Statut :    Non vu

Concorde numéro :     213
Immatriculation :     F-BTSD
Premier vol :     26 juin 1978
Dernier vol :     14 juin 2003
Heures de vol :     12974
Localisation :     Musée de l'air et de l'espace, Le Bourget
Statut :    Visité !





Concorde numéro :     214
Immatriculation :     G-BOAG
Premier vol :     21 avril 1978
Dernier vol :     5 novembre 2003
Heures de vol :     16239
Localisation :     Museum of Flight, Seattle
Statut :    Visité !





Concorde numéro :     215
Immatriculation :     F-BVFF
Premier vol :     26 décembre 1978
Dernier vol :     11 juin 2000
Heures de vol :     12421
Localisation :     Aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, Roissy
Statut :    Vu ...mais bon à chaque fois j'ai l'appareil photo au  fond de la valise qui est dans le coffre...

Concorde numéro :     216
Immatriculation :     G-BOAF
Premier vol :     20 avril 1979
Dernier vol :     26 novembre 2003
Heures de vol :     18257
Localisation :     Filton (en), Bristol
Statut :    Non vu

lundi 2 février 2015

Le C-17 "Globemaster III"

Au Etats-Unis, le transport stratégique lourd de l'US Air Force repose sur deux appareils complémentaires : le C-5 "Galaxy" et le C-17 "Globemaster III". Nous avons déjà vu la carrière du C-5 Galaxy, et aujourd'hui nous allons parler de son "petit" cousin, le C-17 Globemaster III. Développé à la fin des années 80, sa mise au point sera une longue suite de casse-têtes et de problèmes semblant insurmontables, avant que son entrée en service balaye toutes les critiques et fasse de lui l'un des appareils les plus indispensables de l'USAF.

Le "Globemaster III" au décollage...


Avant de parler du C-17, il faut parler du YC-15 et de la compétition pour un avion à décollage court. Dans les années 70, l'armée américaine cherche un remplaçant aux vénérables "Hercules" : le but est de disposer d'un appareil de la taille du Hercule, mais avec des capacités de décollage et d'atterrissage court grâce à la technique des volets soufflés, inspiré du Bréguet 941 français. Deux appareils seront mis en concurrence pour ce programme : le YC-14 de Boeing et le YC-15 de McDonnell Douglas. Même si les deux appareils ont de bonnes performances, aucun des deux ne sera choisi et la compétition sera annulée avant d'arriver à son terme.

Au commencement était le YC-15...


En novembre 1979, le même jour que l'annulation du YC-14/YC-15, l'USAF lance une nouvelle compétition, pour la mise au point du C-X, un avion gros porteur mais cependant plus petit que le C-5 "Galaxy", qui va devoir remplacer le C-141 "Starlifter", tout en étant capable d'opérer depuis des pistes peu préparées. McDonnell Douglas va saisir l'occasion pour se remettre dans la course, en ressortant son YC-15, et moyennant un petit agrandissement peut espérer tenir les spécifications du programme. C'est en tout cas la base de sa réponse à l'appel d'offre de l'USAF datant d'octobre 1980. Remplacer le C-141 est essentiel pour ne pas faire trop voler les C-5 qui ont des soucis de potentiel de cellule : le nouvel appareil doit donc remplacer le C-141 et même pouvoir assurer une partie des missions du C-5.

Un YC-15 "agrandi"..


McDonnell Douglas n'est pas tout seul sur le créneau, et doit faire face à une concurence féroce de la part de Boeing qui propose une version trimoteur de son YC-14 et Lockheed qui propose un design inspiré du C-5 Galaxy. Le 28 Août 1981, McDonnell-Douglas est déclaré vainqueur avec son appareil qui est baptisé C-17.

Le nouvel appareil diffère sensiblement du YC-15 : ses ailes sont en flèche au lieu d'être droite, sa structure interne différente, et ses moteurs beaucoup plus puissants. Une des exigence du Pentagone reste cependant la simplicité : hors de question de rééditer les déboires du C-5 : cette fois, il faut utiliser une technologie éprouvée ayant une grande fiabilité.

Le nouvel appareil se veut remplaçant du C-141...tout en prenant certaines missions jusque la réservées aux C-5

Le problème c'est qu'il n'y a pas de sous : McDonnell vient de gagner le contrat, mais celui-ci n'est pas signé car le Pentagone est à cours de cash…il faudra attendre près de quatre ans avant que le contrat puisse être signé. Les équipes de MD ne resteront cependant pas inactives, quelques contrats de développement étant signés içi et là…ce n'est qu'en décembre 1985 que le contrat est enfin signé pour le développement et la production du nouvel appareil : le besoin de l'USAF étant évalué à 210 exemplaires, pour un premier vol en 1990.

Le C-17 possède une soute large, comparable au C-5


Jusque là, hormis un manque de sous, le programme du C-17 semble se dérouler comme une success story à l'américaine…et pourtant, à partir de 1985, les choses vont commencer à mal se passer : les équipes de MD ont du mal à mettre l'appareil au point : l'electronique est complexe et fragile, les spécifications trop exigeantes, le poids de l'appareil dérape et pour ne rien arranger, l'Union Soviétique s'effondre. Conséquence directe, la commande de C-17 est réduite de moitié en 1991 pour passer à 120 appareils. Comme demandé par le Pentagone, MD n'a pas développé de nouvelles technologies pour cet appareil, cependant, la manière dont cette technologie est utilisée est totalement nouvelle…et l'intégration des systèmes n'est donc pas aussi simple que ce qui avait été pensé à l'origine ! Un exemple : le système de contrôle de vol devait être manuel à câbles avec assistance hydraulique. Pourtant en 1987, Sperry le sous-traitant des commandes de vol, se rend compte qu'il n'est pas possible d'empêcher le pilote de l'appareil de mettre l'avion en vrille par accident lors de manœuvre serrées…après une contr-étude de MD qui parvient à la même conclusion, l'ordre est donné à Sperry de changer les commandes de vol par un système de Fly By Wire, des commandes de vol électrique, et on repart de la planche à dessin !

écorché du C-17 "Globemaster III"


Malgré cela, le programme avance, et le premier vol du C-17 aura lieu en septembre 1991, avec 18 mois de retard sur le planning initial, depuis l'usine Douglas de Long Beach en Californie. Le premier appareil est désigné "T-1" et il sera suivi par 5 appareils de pré-production nommé de P-1 à P-5. En plus de ces 6 appareils, MD va produire deux appareils structurellement complets pour les tests statiques. Si le T-1 était véritablement un prototype, le P-1 est un appareil de série instrumenté pour mesurer les efforts en vol, de même que le P-2. P-3 et P-4 seront plus proche des vrais appareils de série pour tester l'avionique et les équipements internes, et enfin P-5 sera utilisé pour les essais EMC, c'est-à-dire la résistance aux perturbations électromagnétiques et à la foudre.

Plan 3 vues et dimensions...


Les essais du T-1 vont vite révéler un problème : des fuites de carburant au niveau des ailes, ce qui va obliger à clouer les appareil. Les tests statiques vont également révéler beaucoup de surprise : dès octobre 1992, les ailes du premier C-17 d'essais statiques s'arrachent au banc à 128% de la charge maximale, alors qu'il faut tenir jusqu'à 150% pour les essais : un défaut de conception de l'aile est mis en évidence suite à une erreur de calcul, mais d'un calcul qui a été réutilisé un peu partout sur l'aile. Il faudra presque une année de travail et 1 milliard de dollars pour corriger ce problème, mais lors d'un deuxième test en octobre 1993, les ailes se rompent à 142% de la charge maximale : bien mais pas assez. Cette fois-ci, une enquête va déterminer que la procédure de test n'était pas correcte et que l'aile était surchargée. Après une nouvelle analyse, il sera montré que l'aile était suffisamment résistante et la mauvaise répartitions des charges lors de l'essai à fait dépasser les 160% de charge maximale par endroit, conduisant à la rupture de l'aile. McDonnell Douglas est blanchi, mais cela fera beaucoup de paperasse pour justifier cet essai !

Des options de chargement très variées.

Malgré son apparence un peu "ramassée" le C-17 est un gros appareil : il mesure pas loin de 53 mètres de long et 52m d'envergure. Sa raison d'être est de pouvoir livrer du matériel lourd directement sur le terrain, sans avoir besoin de se poser sur l'aéroport international le plus proche avant que d'autres appareils n'acheminent le matériel. Pour cela, il est équipé d'un train d'atterrissage à bogies basse pressions très courts, ce qui permet également à la rampe arrière  de venir toucher le sol pour permettre un chargement/déchargement aisé. Contrairement au C-5 "Galaxy", le C-17 ne possède pas de porte avant de déchargement : tout passe par la rampe arrière, qui permet de charger un tank lourd M1 "Abrams" sans aucun problème. Le compartiment cargo fait 27 mètres de long, pour une section de 5,5m de large et 3,76m de haut. Des rails posés sur le plancher permettent de faire glisser des palettes avant de les arrimer. Ces rails sont réversibles ce qui donne un plancher plat qui permet de charger des véhicules.

La soute est imposante...


La motorisation est assurée par quatre réacteurs à double-flux Pratt et Whitney F-117-PW-100, le même moteur que celui qui est monté sur les Boeing 757. Chaque moteur fourni pas moins de 18 tonnes de poussée. Les inverseurs de poussée des moteurs permettent de faire reculer l'appareil au sol…ou sont utilisables en vol pour accentuer la descente et casser la vitesse de l'appareil. Le C-17 peut ainsi transporter une masse de 77 500kg, pour un poids maximum au décollage de 265 tonnes ! Volant à  près de 28 000 pieds (8 500m) à Mach 0,74, il peut ainsi atteindre un point à 4 400km de sa base…ou beaucoup plus grâce au réceptacle de ravitaillement en vol intégré. Malgré ce gabarit impressionnant, l'appareil peut se poser sur des pistes mesurant tout juste 1 km de long et 27m de large. Il peut également se poser sur des terrains non préparés si besoin, mais cela endommage souvent la structure du fait des nombreux impacts de cailloux et des débris projetés par le souffle des moteurs.

Volets soufflés et déviation des jets vers le haut des reverse...


Il faut au minimum un équipage de trois personnes pour gérer l'appareil (contre 6 pour un C-5) : un pilote et un copilote, plus un "loadmaster"  qui est responsable de toutes les opérations de chargement, déchargement et centrage. Il possède son propre poste de travail à l'avant sur le côté de la soute, où une station informatique lui permet de contrôler l'état des vérins et de la porte de soute. Il peut contrôler toutes les opérations de chargement depuis ce poste, une grande nouveauté par rapport aux générations précédentes d'appareils.

Le Loadmaster possède sa propre station dédiée (ici un simulateur d'entrainement)


Fin 1993, le C-17 reçoit un nom de baptême officiel : ce sera le "Globemaster III" dans la lignée du C-74 "Globemaster" et de "Old Shaky", le C-124 "Globemaster II". Pourtant, même si le projet avance en apparence, il y a encore de graves problèmes : le design n'est pas mature, l'électronique non plus, et les coûts ne cessent de grimper. Début 1994, le DoD américain donne à McDonnell Douglas deux ans pour "régler" les problèmes de dépassements budgétaires du C-17, sans quoi le Pentagone se réserve le droit d'annuler le contrat de production après le 40ème appareil…ça ressemble à du bluff, le Pentagone ayant absolument besoin de cet appareil, mais on ne peut jamais prendre le risque avec le DoD : McDonnell Douglas va donc "régler" les dépassement  budgétaires…en acceptant de les payer à son compte, ce qui fera une perte de 1,5 milliard de dollars pour le groupe, mais assure le maintien de la chaine de production et des emplois qui vont avec…sans compter un petit assouplissement du planning. MD passe tout de même à deux doigts de l'annulation pure et simple du contrat !

La chaîne d'assemblage finale à Long Beach en Californie, de nombreux emplois à la clé...

Malgré tout, cela ne masque pas le fait que l'appareil est toujours trop lourd, et que même ses capacités de pilotages de base ne sont pas satisfaisantes. Les logiciels de missions ont tellement de "bug" qu'il est impossible de simuler une mission de A à Z sans avoir les ingénieurs de MD à bord de l'avion pour le faire fonctionner…et le programme est bon pour son deuxième audit complet fin 1993. Le rapport du GAO (la cour des comptes américaine) qui sort en janvier 1994 reconnait que même si l'appareil peut se poser en dehors des Etats-Unis sur près de 6400 pistes d'aéroport de plus que le C-5, le budget dérive dangereusement : alors qu'il était prévu de dépenser la bagatelle de 41,8 milliards de dollars pour 210 appareils, les coûts déjà dépensés pour en acquérir 120 avait déjà dépassé les 39 milliards de dollars, et que ce n'était pas terminé…Un mini-scandale éclate au Capitole lorsqu'il sera révélé quelques semaines plus tard que le chiffre de 6400 pistes utilisables en plus de celles du C-5 est légèrement exagéré : le rapport n'a étudié que la taille des pistes, et pas leur résistance, en se basant sur les chiffres les plus optimistes…après enquête et révision, le chiffre tombe de 6400 pistes à seulement 911…Ce chiffre tient compte du fait que si les spécifications d'origine demandaient la capacité de se poser sur une piste mouillée de 910m de long, il faudrait en réalité 1500m pour permettre à l'appareil de s'arrêter en toute sécurité…Autre aberration, et pas des moindres : la plupart des logiciels du C-17 ont été sous-traité..mais MD n'a jamais eu l'idée de spécifier un langage commun : et évidemment, chacun aura sa petite idée de comment il faut écrire un logiciel : L'avionique du C-17 doit ainsi intégrer des logiciels écrits dans pas moins de 12 langages informatiques différents ! Un véritable cauchemar !

A bord du C-17...un appareil moderne qui se pilote à deux...


De la même manière, l'exigence de pouvoir transporter un tank Abrams sera revu à la baisse pour tenir compte de l'augmentation de poids de l'avion, sachant que le pentagone ne veut pas entendre parler de remotorisation alors même que la production de l'appareil a déjà commencée !

En mars 1997, McDonnell Douglas ayant besoin de plus d'heures de vol pour valider l'appareil mais ayant déjà épuisé tous ses appareils de pré-production, va décider de remettre en service le YC-15 qui avait été mis au Boneyard près de 15 années auparavant ! La remise en service de l'appareil ne coûtera qu'une fraction du prix d'un nouvel avion, et va permettre d'accélérer les essais en vol même si l'appareil n'est pas représentatif d'un vrai C-17.

Une première escadre est déclarée opérationnelle en 1995

La période 1995-1996 verra une nette amélioration dans la gestion du programme : la plupart des problèmes se résolvent petit à petit, le design de l'appareil gagne en maturité. Si le premier appareil de série est livré sur la base de Charleston en juillet 1993, le premier escadron de C-17 est déclaré opérationnel seulement en janvier 1995 : ce sera le 17th Airlift Squadron. Une année plus tard, en 1996, l'USAF commande 80 appareils supplémentaires, ce qui ramène les commandes  au nombre de 120 avions prévus depuis 1994. En 1999, Boeing qui a mergé avec McDonnell-Douglas, propose de baisser le prix unitaire du C-17 à condition que l'USAF en achète 60 de plus…et l'USAF accepte, portant le total à 180 appareils. D'autres commandes feront passer le total à 205 appareils puis 222, ce qui se rapproche du nombre prévu à l'origine (ce qui est très rarement le cas dans ces grands programmes). Boeing va ainsi assurer une production de 16 appareils par an pendant plusieurs années, avant de retomber à des niveaux plus bas de 10 appareils par an à compter de 2010 suite au manque de commandes du programme.

Le C-17 en action...


Après son entrée en service, le C-17 va pourtant faire preuve de sa versatilité : en quelques années, il va battre pas moins de 22 records internationaux d'emport de charges lourdes ! Il recevra même le prestigieux Collier Trophy en 1994. Engagé au Kosovo, le C-17 va se montrer à la hauteur des espérances des équipes de l'USAF : utilisable sur des petites pistes, avec un "turnaround time" (temps de préparation entre deux missions) beaucoup plus court que le C-141 ou C-5. Les premiers C-17 dépendent tous du 437th Airlift Wing de Charleston AFB et des 62 et 446th Airlift Wing, basés à McChord AFB dans l'état de Washington. D'autres bases seront ensuite équipés de C-17 en remplacement des C-141 qui partent à la retraite : Travis AFB, Altus AFB, et Dover AFB. D'autres C-17 appartiennet à des unités plus "exotiques" comme ceux qui sont affectés au Special Air Mission, et plus précisément au transport de la limousine et des hélicoptères "Marine one" du président américain lorsque celui-ci est en déplacement.

Après le 11 septembre, les C-17 vont être engagés d'abord en Afghanistan puis en Irak. Livraison de matériel humanitaire t médical, d'armement, de personnel, tout y passe. Le 26 mars 2003, le C-17 sera la cheville ouvrière de la plus grande  opération aéroportée américaine depuis l'invasion de Panama : le saut de nuit de près de 1000 parachutistes sur la région de Bashur en Irak. Dans les journées qui vont suivre, les C-17 vont amener du matériel lourd (obusier et chars) pour soutenir les groupes au sol.

Le C-17 sera employé pour déplacer tout l'équipement lourd de l'armée américaine...

Dans les années 2000, plusieurs nations vont exprimer leur intérêt pour le C-17 : ce sera le cas du Koweit, de la RAF, mais aussi du Canada, de l'Australie et du Qatar. L'Angleterre est un cas particulier : elle voulait s'équiper d'A400M, mais devant les retards de ce dernier, il a été décidé en 2000 de louer 4 C-17 pour un bail de 7 ans, avec option pour l'étendre à deux années supplémentaires, le tout pour un coût estimé de 100 millions de livres par an (qui ne couvre que la location des appareils). Le premier C-17 anglais est livré à Brize Norton le 17 mai 2001. Comme la RAF était très satisfaite de ces C-17, elle a décidé de les acheter à la fin de leur bail de location, malgré l'arrivée imminente de l'A400M : la capacité d'emporter 77 tonnes d'un coup contre les 38 tonnes d'une charge d'A400M donne une capacité stratégique qu'il ne faut pas négliger. En plus des quatre premiers appareils, la RAF en a acheté 4 autres, ce qui lui permet désormais de subvenir à ses propre besoin, mais aussi d'aider ses alliés (les véhicules blindés français qui sont partis à Bamako depuis Evreux ne sont pas parti tout seuls…merci au C-17 !

Il n'y a pas que le matériel...le C-17 transporte aussi des troupes !


L'Australie qui avait également besoin d'un avion de transport gros gabarit va se tourner vers Boeing, et signe un contrat de 780 millions de dollars en 2006 pour 4 appareils, identique à ceux de l'USAF (y compris pour la peinture, la seule différence étant…les cocardes ! Cela permet une livraison moins d'un an après la signature du contrat. Deux autres appareils seront commandés par la suite, avec d'autres options toujours en négociation avec Boeing. On retrouve une histoire similaire au Canada, qui commandera quatre appareils qui seront prélevés sur ceux de l'USAF déjà sur la ligne d'assemblage, ce qui permet d'accélérer la livraison (et de réduire la facture pour le gouvernement américain en étalant la facture de ses propres commandes dans le temps.

Suivi de terrain d'un C-17, photographié depuis le "HUD" d'un autre C-17...


D'autres commandes viendront : 3 appareils pour le programme "Strategic Airlift" de l'OTAN, et surtout l'Inde, qui est le deuxième opérateur de C-17 en nombre : 10 appareils ont été commandés en 2009, et une option sur 6 appareils supplémentaires existe et pourrait se transformer en commande d'ici quelques mois. Le sixième appareil à été livré en juillet 2014, et les livraisons doivent se poursuivre à raison d'un tous les 6 mois. Ce sera ensuite au tour du Qatar, avec deux appareils commandés et des Emirats Arabes Unis avec 6 appareils, et enfin le Kuwait, avec deux appareils.

Vol en formation...impressionnant....


Toutes ces commandes vont permettre de laisser la chaîne d'assemblage plus longtemps, ce qui permet à Boeing de faire un meilleur amortissement du coût  de ces appareils. C'est ainsi que la chaîne d'assemblage aurait déjà du fermer plusieurs fois mais à toujours été maintenu à flot par ces nouvelles commandes étrangères. Un dernier appareil sera commandé par l'USAF en 2012 pour remplacer un appareil qui s'était crashé en Alaska en 2010. Réceptionné le 12 septembre 2013, il sera le dernier Globemaster pour l'USAF et en tenant compte des livraisons internationales prévues, la chaîne d'assemblage devrait fermer pour de bon en 2015. Les 13 derniers appareils prévus sont de "queues blanches" et n'ont donc pas encore de client, mais Boeing est en négociation avec plusieurs pays pour les vendre.

Le premier C-17 est aujourd'hui à la retraite au musée de l'USAF de Dayton...

Comme vous le voyez, la saga du C-17, qui avait pourtant mal commencé avec un programme mal managé qui engloutissait des milliards de dollars a finalement fini par devenir l'exemple même d'appareil réussi dont on ne peut plus se passer. La longue liste des clients satisfaits du C-17 ne fait que s'agrandir d'années en année, et cet appareil n'a sans doute pas fini de nous surprendre, en livrant du matériel lourd aux qutre coins de la planète…que ce soit de l’armement, mais aussi du matériel médical ou humanitaire, sans parler du rapatriement des blessés directement depuis le champ de bataille comme il a su nous le montrer à maintes reprises depuis plusieurs années, et continuera de nous le montrer dans les années à venir...