jeudi 6 novembre 2014

Grandeur et décadence de la Pan Am (1/3)

Plus qu'une simple compagnie, la Pan American World Airways ou tout simplement la Pan Am était à la fois un symbole de modernité et son étendard bleu représentait les Etats-Unis de part le monde. Partout où les appareils de la Pan Am faisaient escale, c'était un peu comme si un drapeau américain flottait. La Pan Am était la première compagnie mondiale en terme de routes et de notoriété, elle était vue comme étant éternelle, mais son règne finira par prendre fin au début des années 90 dans des circonstances que nous allons voir plus loin. Nous allons aussi voir combien le destin de cette compagnie à été liée au destin de son fondateur et premier directeur : Juan Trippe.

Un logo devenu mythique


Pour retracer l'histoire de cette compagnie devenue mythique, il faut remonter loin dans le temps, jusqu'à la fin de la première Guerre Mondiale. Au cours de ce terrible conflit, l'aviation a fait un bond prodigieux en avant, et à la fin de la Guerre, c'est le transport aérien civil qui va bénéficier de toutes ces innovations. Il faut établir des liaisons postales, des liaisons commerciales, tant au sein du pays qu'à l'étranger.

Les Etats-Unis vont donc mettre au point une poste aérienne : le "Post  Office" américain est prêt à sous-traiter l'opération à une compagnie privée pour un prix de 3 dollars par livre de courrier acheminé par avion à bon port : c'est une loi dite "loi Kelly" qui va mettre en place ce système. C'est une compagnie appelée la "Colonial Air Transport" qui va remporter ce marché, acheminant le courrier par avion de New-York à Boston dès décembre 1925.

Charles Lindbergh et Juan Trippe devant un des premiers avions postaux de la Pan Am...


Revenons un peu sur cette compagnie et surtout sur son propriétaire : Juan Terry Trippe. Né le 27 juin 1899, Juan Trippe était le fils unique d'un agent de change new-yorkais. Après des études à Yale, il s'engage en 1917 comme pilote de bombardier dans le Naval Reserve Flying Corps, c'est-à-dire l'aéronavale de réserve. Très attiré par l'avion, Juan Trippe va fonder sa compagnie aérienne : il achète pour 4500 dollars 9 biplans de l'US Navy, engage 6 pilotes et la Long-Island Airways est née. La compagnie organise des vols touristiques sur la région de New-York, mais rapidement, Trippe se rend compte qu'il perd de l'argent, et la compagnie commence à péricliter, aussi, dès que la loi Kelly est ratifié, Trippe se lance dans l'aventure et postule avec la CAT, Colonial Air Transport.

Toujours à la recherche des meilleurs appareils, Trippe rencontre Anthony Fokker en 1926, et il est enthousiasmé par la qualité de construction de son trimoteur F VIII. Trippe en commande tout de suite deux, suivis de deux autres un peu plus tard. Mais en plus de gérer la technique de près, Trippe pense en commercial et va chercher à étendre son réseau. En 1926, il apprend qu'une ligne aérospostale va s'ouvrir entre Key West et Cuba : Trippe se rend donc à la Havane et va négocier avec le président cubain afin que celui-ci confie la nouvelle ligne de manière exclusive à sa compagnie. 

Publicité de la Pan Am des années 30'


Pour assurer le service, ce dernier va racheter en 1927 deux petites compagnies aériennes en Floride : Florida Airways et Pan American Airways. Trippe va baptiser le holding de compagnies l'"aviation corporation of americas" ou ACA, dont la pan Am est le principal groupe. Cette compagnie Pan American Airways possédait déjà une histoire particulière : elle avait été fondée par deux officiers de l'Air Corps américain, tout deux appelés à devenir célèbre lors du second conflit mondial : Henry "Hap" Arnold et Carl Spaatz. Le but de cette compagnie était de conccurencer la compagnie allemande SCADATA, qui faisait dorcing pour se poser dans la zone du canal de Panama, ce qui était vu comme une menace par les américains. Elle avait été fondée le 14 mars 1927, à Key West en Floride, ce que l'on retient comme date et lieu de naissance de la Pan Am.

Trippe va donc desservir Cuba, mais il ne va pas s'arrêter en si bon chemin : en mars 1928, les installations déménagent à Miami, située à 400km de la Havane ! De plus, en pleine période de la prohibition, cela permettait d'aller consommer de l'alcool, argument de vente discret mais non négligeable.

Le terminal de la Pan Am à Miami, avec un S42 survolant le front de mer !


Juan Trippe voulait à présent étendre son empire au-delà de la région, en ouvrant de nouvelles lignes desservant l'Amérique du sud, aidé par son nouveau conseiller, un certain Charles Lindbergh, mondialement célèbre pour avoir été le premier à avoir franchi l'Atlantique un an  plus tôt : en 1928, Trippe crée la Peruvian Airways puis la Chilean Airways, mais il ne peut contrôler la côte du pacifique, qui est trustée par la compagnie W.R Grace and Co. Conscient qu'il ne peut pas s'imposer face à cette compagnie, Trippe passe un accord avec elle, et va fonder une "joint-venture" comme on dit aujourd'hui, qui se nommera "Panagra" pour Pan American Grace Airways. L'avantage est que la Grace contrôle aussi bien des avions que des "steamers", bateau à vapeur qui peuvent également servir de relais radio pour les avions ! A la fin de 1929, Le réseau des compagnies de Juan Trippe couvre ainsi près de 20 000km de lignes aériennes ! Il faut dire qu'il dispose du soutien du gouvernement qui n'a pas de compagnie d'état, mais considère Pan Am comme principal défenseur de ses intérêts commerciaux à l'étranger, ce qui donne une situation de quasi-monopole à Juan Trippe sur les routes internationales. Quelques années plus tard, les opérations aériennes sont désolidarisées du groupe ACA, et la partie exploitation aérienne est renommée "Pan American Airways Corporation"

La consécration : Juan Trippe en couverture du Time en 1933


Pour Trippe, il faut viser encore plus grand : les routes de prestige permettant de relier l'Europe et l'Asie sont à sa portée : Dès 1934, la Pan American annonce son intention d'ouvrir une ligne de plus de 13200km dont 3800 d'une seule traite : relier San Francisco à Manille, aux Philippines. Pour cela, il faut un nouvel appareil, un hydravion capable de franchir 4000km à une vitesse de 225 km/h, tout en transportant 12 passagers, 4 hommes d'équipage et 150kg de courrier, des spécifications qui frôlent la science fiction de l'époque ! Seuls Sikorski et Glenn Martin vont se lancer dans cette aventure : ils seront baptisés "Clipper", le début d'une longue tradition ! Le Sikorski S42 sera le premier appareil à réaliser le vol San Francisco - Honolulu, puis c'est le M-130 de Glenn qui va aller jusqu'à Manille, baptisé pour l'occasion "China Clipper". 

Le China Clipper en vol


Ce vol historique aura lieu le 22 novembre 1935, où une foule estimée à 25 000 personnes était présentes pour assister au départ de l'hydravion. La première liaison commerciale intervient du 21 au 27 octobre 1936, avec cinq passagers à bord du "Hawaï Clipper" : c'est le début d'une nouvelle ère : le temps nécessaire pour franchir le pacifique passe de six semaines en bateau à juste 6 jours en avion ! Trippe pense également à la maintenance : après avoir obtenu les droits d'aterissage sur les  principaux points du parcours, la Pan Am va dépêcher un navire qui transporte pour près d'un demi-million de dollars de pièces de rechanges pour les Clipper, de sorte qu'aucun appareil ne reste coincé en attendant des pièces de rechange des Etats-Unis.

Pan Am commence à déployer ses ailes sur le monde


Pour vous donner une idée, le prix du voyage aller-retour entre San-Francisco et Manille était de 1710 dollars, ce qui ferait environ 21 000 euros aujourd'hui ! Plaignez-vous de devoir passer 12 heures en avion pour le 20ème de ce tarif !

Pourtant, un autre projet tient à cœur de Juan Trippe : relier l'Europe et plus particulièrement Londres…mais le gouvernement de sa majesté exige en retour l'ouverture simultanée d'une ligne d'Imperial Airways, mais les britanniques ne disposent d'aucun appareil capable d'accomplir un tel vol, et cela va bloquer les négociations de Trippe. Malgré ce revers, il négocie des routes aux Açores et à Lisbonne. De compagnie importante, la Pan Am est en passe de devenir une compagnie mondiale !

Les "Clipper" comme ce Boeing 314 vont devenir mondialement célèbres...

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