lundi 29 septembre 2014

L'ordinateur n'a pas toujours raison

Vous connaissez déjà l'histoire du XB-35 et YB-49, les ailes volantes de Jack Northrop, qui n'auront finalement aucun avenir au sein de l'US Air Force : Northrop va cependant engranger beaucoup de connaissances sur le comportement en vol d'un appareil en forme d'aile.

Le B-2 "Spirit", l'aile volante

A la fin des années 70, Northrop va ressortir son idée d'aile volante pour mettre au point un nouveau bombardier furtif pour l'USAF. Contrairement à ce que l'on a souvent affirmé, les équipes ne sont pas reparties des études du YB-49 car il valait mieux repartir de la planche à dessins, mais cela ne veut pas dire que certaines leçons apprises au cours du programme n'allait pas pouvoir être réutilisés pour le nouvel ATB ou "Advanced Technology Bomber".

Comme souvent, on s'aperçoit que les archives sont fragmentaires et certains documents sont perdus ou illisibles : l'équipe d'Irv Waaland, qui est en charge du nouveau projet, va donc aller interviewer les anciens managers du YB-49 comme William Sears ou Irv Ashkenas, mais surtout le premier pilote à avoir piloté le XB-35 : Max Stanley.

Max Stanley, pilote d'essai des XB-35 et XB-49


Stanley va même être engagé comme consultant et va recevoir une habilitation "Top Secret" pour participer au programme qui à l'époque est un programme "noir", c'est-à-dire dont même le nom et l'existence sont secrets. L'ancien pilote va ainsi participer à des vols en simulateur pour donner son ressenti sur le réalisme des simulations, mais aussi sur le comportement général de l'aile volante, économisant ainsi de nombreuses heures de calculs et de simulations. En une occasion, il va même sauver plusieurs milliers de dollars et de longs mois de développement !

Le YB-49, précurseur du B-2

Au début du programme, alors que la configuration de l'appareil commence à peine à être figée, les simulations montrent que l'effet de sol lors de l'atterrissage risque d'empêcher l'appareil de se poser : les ingénieurs commencent à se rendre compte qu'il va falloir créer une autre loi de pilotage sur les calculateurs de l'avion, qui ne sera active que lors de l'approche finale.

Lorsque Waaland pose la question à Stanley, ce dernier va répondre qu'il y avait des craintes similaires lors du lancement du XB-35, mais que au final l'appareil à toujours pu se poser sans encombres, même si les essais en soufflerie démontrent le contraire ! Comme les simulations qu'il fait montre un comportement similaire au XB-35/49 et que Stanley recommande de ne pas mettre de loi alternative, Waaland prend la décision risquée de ne pas croire les calculs et d'appliquer la recommandation de Stanley : pas de loi de pilotage alternative, le nouveau bombardier se posera donc normalement à l'issue de son premier vol !

Le B-2 va voler et surtout se poser sans aucun problème...

En juillet 1989, le nouveau bombardier, baptisé B-2 "Spirit", effectue son premier vol, et au moment de l'atterrissage, beaucoup retiennent leur souffle…l'appareil s'approche doucement…et se pose sans effort, exactement comme Stanley l'avait prédit ! Waaland avait choisi la bonne solution, l'ordinateur avait tord !

Moralité de cette petite histoire : l'ordinateur c'est bien, mais il ne faut jamais sous-estimer ce que peut apporter un pilote d'essai aux commandes d'un appareil !

jeudi 25 septembre 2014

Un Kestrel au tapis

Extrapolé du Hawker P1127, le but du Kestrel était d'évaluer la possibilité de mettre en service un chasseur à aterissage et décollage vertical et c'est une organisation regroupant trois nationalités qui va tester l'appareil : en effet, le Tripartite Kestrel Evaluation Squadron ou TES sera formé de pilotes de la RAF, de US Air Force et de l'armée de l'air ouest-allemande.

Le "Kestrel" ancêtre direct du Harrier

L'Allemagne de l'Ouest va envoyer un pilote très chevronné qui est aussi un as de la dernière Guerre : le colonel Gerhard Barkhorn, qui avait servi dans la Luftwaffe et possédait pas moins de 301 avions alliés abattus à son actif (il était et est toujours le n°2 mondial en terme de nombre de victoires).

Barkhorn possédait en outre l'expérience du VAK191, prototype d'appareil allemand à décollage vertical, ce qui le rendait doublement qualifié pour participer au TES. Et pourtant, même les meilleurs peuvent faire des erreurs, surtout sur un prototype..

Le colonel Gerhard Backhorn devant un F-104G

Un jour, de retour de vol d'essai, Barkhorn arrive pour se poser verticalement. La descente se passe bien, mais le pilote coupe les gaz un peu tôt, et le Kestrel tombe lourdement en détruisant son train d'atterrissage au passage. Barkhorn est un peu secoué, mais intact. Il peut descendre de l'appareil par ses propres moyens, mais il est furieux d'avoir détruit le prototype. De rage, il donne un coup de pied dans l'épave fumante du Kestrel en déclarant "ce sera mon 302ème appareil allié abattu" !

Le Kestrel sera réparé et pourra revoler, ce n'était d'ailleurs pas son premier crash, ni son dernier ! Le prototype du Kestrel est aujourd'hui exposé au musée de la RAF de Cosford.

Ce sera le 302ème !

lundi 22 septembre 2014

VC-10 : le dernier long courrier britannique

Les britanniques sont souvent adeptes de fabriquer de beaux avions, techniquement très réussis, mais qui au final ne correspondent à aucun besoin réel, ou mieux encore, ne sont pas capable de les vendre efficacement. On se souvient de l'histoire du Bristol "Brabazon" qui sera un échec commercial complet, mais il y en aura d'autres : aujourd'hui nous allons parler du Vickers VC-10.

La silhouette imposante et particulière du VC-10

Pour mieux comprendre l'origine de cet appareil, il faut remonter à la naissance des bombardiers "V", et du premier d'entre eux, le "Valiant". En se basant sur l'expérience du "Valiant", Vickers prévoyait de mettre au point un appareil beaucoup plus imposant, le V1000 pour le remplacer. Ce nouvel appareil possédait une voilure basse dans laquelle était logés 4 moteurs à double flux "Conway" de chez Rolls Royce. Pouvant transporter 150 soldats avec armements sur des distances intercontinentales, cet appareil était très prometteur. Pour des raisons budgétaires cependant, il ne quitta jamais la planche à dessins, le RAF lui préférant le Bristol Britannia, qui n'avait pas du tout les mêmes capacités mais avait l'avantage d'exister et d'être plus économique à l'achat.

Le VC-10 et la BOAC...un long fleuve qui n'était pas tranquille...


Vickers tenta alors de vendre le V1000 en tant qu'appareil de transport civil : le VC-7, mais la BOAC (compagnie nationalisée) déclara abruptement qu'elle n'était pas intéressée. Coup de tonnerre un an plus tard : la BOAC annonce qu'elle souhaite acquérir des avions de lignes à réactions intercontinentaux…et en conséquence passe une commande de quinze Boeing 707 américains, car il n'existe aucun appareil britannique capable de répondre à ses exigences. Chez Vickers, la nouvelle passe très mal : le VC-7 correspondait exactement à ce que cherchais la BOAC ! L'inconvénient du Boeing étant son incapacité à opérer depuis des aérodromes "haut et chauds" comme les britanniques en desservent beaucoup dans l'Empire,  avec des points chauds comme Karachi ou Singapour, sans parler des aéroports élevés comme Nairobi ou Kano.

La livrée originale de la BOAC

BOAC va ensuite s'intéresser à un autre appareil, le deHavilland DH118, un appareil descendant du "Comet" et ressemblant fortement au VC-7 mort-né un an plus tôt à peine. Et là, encore un revirement, la BOAC contacte en mai 1957, non pas de Havilland, mais Vickers, qui est prête à se lancer avec des fonds privés dans l'aventure…et lui commande 35 appareils nommés VC-10, qui doit être un 707 mais de fabrication britannique, capable d'opérer depuis des pistes courtes. C'est un coup de tonnerre dans le monde aéronautique : alors que Boeing et Douglas trustent le marché mondial avec le 707 et le DC-8, les britanniques décident de lancer le même appareil, mais de fabrication nationale. Pas besoin d'être devin pour comprendre que cet appareil qui n'offre rien de nouveau et qui part avec 5 années de retard par rapport à ses concurrents, a peu de chance de percer, sauf peut-être sur le marché britannique grâce à ses capacités "haut et chaud",, mais à part la BOAC, cela ne représente pas beaucoup de monde. De plus, l'utilisation à partir de pistes courtes va demander à la fois une voilure plus grande qu'un 707 ainsi qu'un train d'atterrissage renforcé et des moteurs plus puissants, que des éléments qui vont rendre le coût d'exploitation de l'appareil plus élevé.

Aux commandes du VC-10


Heureusement la commande de 35 appareils par BOAC permet d'amortir une partie du programme…ah, j'ai oublié de vous dire : finalement BOAC à encore une fois changée d'avis : ce ne sera pas 35…mais 12 VC-10 qu'elle va commander, mais avec l'idée de commander beaucoup d'exemplaires de la version rallongée de l'avion, baptisé "Super-VC10". Hélas, la BOAC va ensuite trouver ce nouvel appareil trop grand, et va demander à la raccourcir encore et encore, jusqu'à ce que le "Super-VC-10" ne fasse à peine plus de 4 mètres que l'original…rien du tout au vu du coût de développement d'un modèle rallongé. La commande de initiale passée en 1957 de 35 VC-10 et 10 Super VC-10 avait été modifiée à 12 VC-10 et 30 Super VC-10, dont 8 convertibles en avions de fret…mais la commande va progressivement fondre à 17 VC-10. Paradoxalement, le contrat était très alléchant : pour trente appareils, le montant total s'élevait à 68 millions de livres, c'est-à-dire à peine la moitié du prix d'un Boeing 707 !

La dérive en "T" et les quatre moteurs à l'arrière


Vickers va mettre un soin particulier à mettre au point ce nouvel appareil, surtout en ce qui concerne la fatigue de la structure et les commandes de vol. Une grande gouverne en "T" assurait le contrôle de l'appareil, qui comportait des gouvernes de profondeur en deux parties, actionnées par des moteurs hydrauliques. Les commandes de vol, développés par Elliott Automation, étaient quadruplexés, offrant un niveau de fiabilité encore inédit à l'époque. Les quatre moteurs Rolls-Royce "Conway" seront montés dans une configuration inspirée de la Caravelle, à l'arrière du fuselage, à raison de deux moteurs l'un contre l'autre de chaque côté du fuselage. Cette disposition permettra de disposer d'un appareil réputé pour son silence en cabine.

BOAC deviendra British Airways quelques années plus tard


La chaîne d'assemblage est implantée sur le site de Weybridge, où Vickers calcule qu'il lui faudra vendre 80 avions à 1,75 millions de livres pour rembourser les frais du programme. C'est beaucoup, et en réutilisant certains éléments du Vickers "Vanguard", Vickers espère ramener la rentabilité du programme à 35 avions à 1,5 millions de livres chacun…mais ce n'était pas atteignable. En janvier 1960, Vickers a des soucis financiers et commence à se demander si il ne va pas faire de grosses pertes avec le VC-10, surtout que le soutien de la BOAC est "vacillant" pour ne pas dire plus.

Le prototype de l'appareil, appelé Vickers 1100 fait son roll-out le 15 avril 1962, et effectuera son premier vol le 29 juin 1962, avec l'immatriculation G-ARTA. Aux commandes se trouvaient Jock Bryce et Brian Trubshaw. Il s'agissait là d'un vol de convoyage entre Brooklands et Wiseley. Il sera suivi par le premier appareil de série qui fit son premier vol le 8 novembre de la même année. Le développement de l'appareil se déroulera sans incident notable, hormis la découverte d'un phénomène de  traînée qui devra être corrigé avec l'adoption de carottes de Küchemann qui va retarder le programme des essais en vol. Ce "model 1101", plus gros que le prototype pesait 142,3 tonnes en charge, dont 81500 litres de carburant. Il pouvait ainsi franchir l'Atlantique d'une traite avec 16 passagers de première classe et 93 en classe éco. L'appareil fera son premier vol commercial pour la BOAC le 29 avril 1964, après avoir décroché sa certification le 23 avril.

La BOAC n'appréciera jamais l'appareil à sa juste valeur...


L'année 1964 est également marquée par un ralentissement du nombre de passagers au sein de la BOAC, et Gerald d'Erlenger, PDG de la BOAC, pro-Boeing, propose de réduire la commande de Super-  VC-10 à seulement 7 exemplaires…seule une intervention gouvernementale permettra d'empêcher la BOAC de mettre son plan à exécution. Entre temps, les travaux se poursuivent chez Vickers sur la version du "Super VC-10" ou "type 1151", qui fera son premier vol le 7 mai 1964 depuis la piste de Brooklands. Cette version agrandie possédait des réacteurs "Conway" mk550 de 9,9 tonnes de poussée, ce qui lui permettait de décoller d'une piste "certifiée Boeing 707" à une masse maximum de 151 tonnes, ce qui portait ainsi le nombre de passagers à 174 (en mode "tout éco"). BOAC mis enfin en ligne "son" Super VC-10 le 1er avril 1965, les derniers exemplaires commandés étant livrés en 1969.

Si la BOAC avait commandés 12 exemplaires, d'autres VC-10 furent vendus au goutte à goutte : Laker Airways racheta le prototype, Deux model 1102 furent vendus à Ghana Airways, puis 3 exemplaires à British United (future Caledonian). 5 Super VC-10 furent ensuite vendus à East African, en version combi fret/passagers.

Les volets sont impressionnants !


Malgré ces faibles ventes, l'appareil reçu un excellent accueil de ses utilisateurs : aussi bien pilotes que mécaniciens et surtout les passagers étaient enthousiasmés par ce nouvel appareil très silencieux, facile d'entretien et facile à piloter. La réputation de l'appareil aurait sans doute pu lui assurer des ventes, mais une fois de plus, la BOAC va tout gâcher. Les dirigeants de la BOAC déclareront dans la presse et à plusieurs reprise que le VC-10 est un appareil "cher à faire voler et à entretenir" et que le gouvernement les avait forcé à l'acheter, ce qui n'est qu'à moitié vrai : la BOAC voulait le VC-10, le gouvernement lui à juste imposé un niveau de commande un peu plus élevé qu'elle ne l'aurait souhaitée. L'insulte finale fut faite le jour où la BOAC demanda une subvention spéciale au gouvernement de sa majesté pour continuer à faire voler les VC-10…Or, pour être honnête : c'est la BOAC elle-même qui avait fixé les spécifications de l'appareil ! Il semble même que les deux appareils avait une rentabilité proche de celle des 707 de Boeing, c'est dire ! Pourquoi cet acharnement de la BOAC à dénigrer l'appareil qu'elle avait spécifié ? Pire encore, un appareil qui dépassait son cahier des charges dans beaucoup de domaines ! On peut se demander si à travers cette attaque en règle de leur propre industrie, la BOAC ne cherchait pas à avoir les mains libres pour pouvoir remplacer ses appareils par du matériel made in Boeing. La BOAC ne cachait pas son affection pour l'avionneur de Seattle en tout cas.

Gros plan sur le poste du navigateur


Grâce à la BOAC, ce qui devait arriver arriva : il n'y aura plus aucune commande civile  de VC-10 ou Super-VC-10

Il y aura cependant une dernière commande, mais militaire cette fois : la Royal Air Force avait besoin d'un appareil de transport à long rayon d'action, et Vickers va lui fournir : ce sera le Model 1106 ou VC-10C Mk1 ou encore VC-10 C1. Cet appareil était un Super VC-10 mais au fuselage raccourci lui donnant la taille d'un VC-10 standard. Sa masse totale en charge atteignait 146,5 tonnes, bien plus que n'importe quel VC-10 civil et à peu près autant qu'un Super VC10. Le Mk1 possédait également d'autres particularités : des réacteurs Conway Mk301 dont seulement les deux extérieurs possédaient des inverseurs de poussée, et un APU "Artouste" lui permettant de s'affranchir d'un groupe de parc pour son démarrage, ainsi qu'une large porte de chargement latérale. Autre particularité : la possibilité de monter une perche de ravitaillement en vol entre le radôme et le pare brise.

Certains VC-10 seront utilisés en mode "VIP"


Un total de 14 appareils furent commandés en trois lots, de septembre 1961 à juillet 1964. Le premier appareil fera son premier vol dès novembre 1965 et les livraisons s'étalèrent de 1966 à 1968. Le VC-10 va ainsi offrir à la RAF une capacité d'intervention globale encore inédite pour l'époque. Chose rare au sein de la RAF : chaque appareil sera baptisé du nom d'un aviateur britannique ayant reçu la "Victoria Cross", la plus haute distinction militaire anglaise. Ils seront rattachés au Squadron 10, basé à Fairford, avant de déménager à Brize Norton. Détails intéressant : tous les sièges des VC-10 de la RAF sont orientés vers l'arrière et non vers l'avant comme tous les appareils civils. Un immense hangar sera bâti en 1969 à Brize Norton en 1969 pour accueillir la maintenance des VC-10 : il s'agissait d'un des plus grand bâtiment du monde sans structure interne au moment de son inauguration : près d'un demi-kilomètre de long, la RAF pouvait stationner 6 VC-10 confortablement à l'intérieur.

La RAF appréciera beaucoup le VC-10


La chaine de montage de VC-10 ferme en 1970, après seulement 54 appareils construits. Les bâtis et outils sont détruits, rendant ainsi toute production ultérieure de VC-10 impossible, et ce malgré un intérêt de la république populaire de Chine, mais qui n'aura pas de suite : la Grande bretagne ayant détruit la chaine de fabrication avant que la Chine ne puisse confirmer ses intentions ! La RPC achètera à la place des Il-62, appareil similaire mais plus gros, également caractérisé par un montage de quatre moteurs de part et d'autres de la dérive.

Les quatre moteurs "Conway", bruyants et gourmands


Cher à exploiter, avec ses gourmands réacteurs "Conway", et avec une maintenance problématique étant donné le faible nombre d'aérodromes pouvant le recevoir, la plupart des VC-10 seront retirés du service commercial dès le milieu des années 70 après les premières crises pétrolières…et la "côte argus" du VC-10 n'était pas très haute, il y aura peu de repreneurs. C'est alors que la RAF, qui pensait acheter des avions ravitailleurs de type KC-135, va se rendre compte que transformer des VC-10 civils en citerne volante serait à la fois efficace et économique : British Aerospace sera donc chargée de transformer 9 appareils pour le compte de la RAF, au sein de son usine de Filton. 5 VC-10 deviendront des VC-10 K Mk2, et 4 Super VC-10 deviendront des VC-10 K Mk3. Les modifications consistèrent à rajouter des citernes métalliques à l'intérieur du fuselage : 5 réservoirs de 3 000 litres chacun; le Mk2 pouvant emporter 94 000 litres de carburant, et le Mk3 102 000 litres; ces limites étaient cependant théoriques, l'appareil atteignant son poids maximum avant que les réservoirs ne soient pleins... Chaque appareil recevra en outre une perche pour pouvoir être lui-même ravitaillé en vol. Trois pods de ravitaillement seront montés à raison de un sous chaque aile et un sous le fuselage. Un système de caméra permettait au mécanicien navigant de suivre les manœuvres sur un écran de télévision.

Poste du mécanicien navigant

La flotte de VC-10 de la RAF sera utilisée de manière intensive, à la fois en tant qu'appareil de transport, mais aussi en tant qu'appareil d'évacuation médicale, et aussi en tant que transport VIP, qui sera utilisé aussi par les premiers ministres (Margaret Thatcher se déplaçait toujours en VC-10) que la reine Elisabeth II en personne ! L'immense avantage de l'appareil était sa capacité à être ravitaillé en vol, permettant ainsi de longs voyages sans aucune escale : un VC-10 fera d'ailleurs le tour du globe en un peu plus de 45 heures !

En 1980, British Airways, qui à succédé à la BOAC, décide de retirer ses derniers VC-10..et n'ayant trouvé aucun acquéreur, ce sera la RAF qui va racheter en 1981 les 14 derniers Super VC-10 de British Airways, dont 3 furent démontés pour fournir des pièces de rechange, et les 11 autres mis sous cocon en vue d'une utilisation ultérieure. Le tout dernier appareil de la BOAC sera convoyé à Duxford pour être exposé : il s'agit du G-ASGC qui aujourd'hui encore domine le tarmac de Duxford !

Le G-ASGC domine le tarmac de Duxford...


Le 22 juin 1982, le premier VC-10 Mk2 décolle de Filton, en pleine guerre des Falklands ! Le premier appareil est officiellement livré à la RAF le 25 juin 1983. et le premier vol d'un Mk3 intervient le 3 juillet 1984, entrant en service au sein du squadron 101 le 20 février 1985. Même si les Mk2 et 3 ne sont pas encore prêts, les Mk1 particepront à la Guerre des Malouines, en faisant un véritable pont aérien entre la Grande Bretagne et l'ïle d'Ascension, point de départ des raids britanniques, dont les fameuses missions "Black Buck". Les VC-10 participeront également d'une autre manière au conflit : les systèmes de navigation "Carousel" dont ils sont équipés seront montés de toute urgence sur les Vulcans pour leur permettre de faire de la navigation océanique.

En 1988, le G-ASIX sera le dernier VC-10 civil à être retiré du service. Il avait volé pour British United puis Caledonian, avant d'être vendu au sultanat d'Oman en tant que transport VIP.

La RAF sera le principal utilisateur des VC-10


Au début des années 90, les derniers "Victor" ravitailleurs sont retirés du service; pour les remplacer, la RAF va faire appel à 5 des VC-10 mis en stockage en 1982 : ce seront des VC-10 Mk4, mais hélas, suite à la décision de remplacer le kérosène par de l'eau pour stocker les appareils, de très importants points de corrosion sont découverts dans les ailes de ces appareils, il faudra d'abord les remettre en état ce qui coûtera assez cher (moins que des ravitailleurs neufs…mais tout de même).

En 1991, 9 appareils K2 et K3 seront envoyés en Arabie Saoudite pour participer à l'opération "Tempête du désert" : plus de 5000 heures de vol seront accumulées lors de 380 sorties au plus fort du conflit. On retrouvera ensuite le VC-10 en 1999 en ex-Yougoslavie, où les appareils seront stationnés au sud de l'Italie pour fournir le kérosène aux "Tornado" de la RAF.

Au milieu des KC-10 de l'USAF, les VC-10 fourniront une aide indispensable lors des deux guerres du Golfe persique


En 2001, débute la guerre contre le terrorisme, et la Grande Bretagne va jouer un rôle actif à la fois en Afghanistan et en Irak : c'est encore une fois le VC-10 qui va jouer le rôle de citerne volante, mais cette fois, une dizaine d'appareils vont rester stationnés au Moyen-Orient jusqu'en 2009. C'est néanmoins le début de la fin : entre 2000 et 2003, les K2 sont retirés du service et démantelés, il ne reste alors que les K3 et un unique K4 qui est stationné aux Malouines. Une dernière mission cruciale aura lieu en 2006 : un VC-10 équipés de capteurs spéciaux ira "renifler" les débris de l'explosion nucléaire organisée par la Corée du Nord. Un autre VC-10 ira à Toulouse fin 2011 pour des essais de ravitaillement en vol avec un A400M, mais hélas le VC-10 ne verra jamais l'A400M entrer en service : le VC-10, comme les Tristar, sont retirés du service en 2013 : le dernier vol pour la RAF à eu lieu le 20 septembre 2013, et les derniers vols de convoyage fin 2013. Un exemplaire sera peut-être préservé à Bruntingthorpe, mais ce n'est pas sûr. Ainsi s'achevait l'épopée du VC-10, après une carrière bien remplie au sein de la RAF même si on ne peut pas en dire autant de sa carrière d'avion civil...

La fin de la route pour le VC-10

jeudi 18 septembre 2014

L'Avro "Vulcan"

L'Avro "Vulcan" sera le second bombardier V à entrer en service. Comme le Valiant ou le Victor, il se basait sur l'Operational Requirement OR.229 pour un bombardier moyen capable d'emporter une bombe de 4,5 tonnes à 2800km de sa base. Avro va mettre au point un grand bombardier sous la forme d'une aile volante avec un gouvernail vertical.

L'Avro "Vulcan"


Avro décide donc en 1947 de répondre à la fiche-programme de la RAF, et une équipe se forme autour de Roy Chadwick, directeur technique, l'avion prenant le nom d'Avro 698. L'équipe de Chadwick se rend compte qu'aucun appareil conventionnel ne pourra répondre aux exigences de l'état major, son équipa va donc aller puiser dans les cartons de concepts récupérés dans les archives allemandes à la fin de la Guerre. Ils vont rapidement découvrir les avantages de l'aile en flèche, mais aussi les mérites de l'aile delta. Avro fait ses propres études en soufflerie pour confirmer les découvertes allemandes. En poussant le concept de l'aile delta au maximum, ce qui demande de supprimer le plan fixe horizontal arrière et le fuselage qui va avec, et de faire une grande aile volante avec un gouvernail vertical. Avec cette configuration, l'équipe de Chadwick à une chance de respecter les exigences de la RAF.

Le "Vulcan" B1 avec ses ailes droites


Le nouvel appareil prend progressivement forme : 4 moteurs doivent être intégrés à la base des ailes, et deux soutes à bombes sont prévues pour être placées à l'extérieur des ailes. Malheureusement, en août 1947, Roy Chadwick est tué dans le crash du prototype de l'Avro "Tudor", et c'est William Farren qui doit reprendre le projet. Il apparait rapidement que le projet n'est pas viable : l'appareil est trop épais, il faut amincir les ailes pour pouvoir garder un aérodynamisme sain sur l'appareil. Le concept des deux soutes à bombe doit-être abandonné, remplacé par une unique grande soute à bombe située au centre du fuselage, les moteurs devant être placés de part et d'autres. Des essais en soufflerie au Royal Aircraft Establishment de Farnborough vont permettre d'affiner encore un peu plus le design de l'appareil.

La grande soute à bombe sera finalement installée en position centrale


C'est en janvier 1948 que la RAF ordonne la construction de deux prototypes de l'Avro 698. Mais avant, comme la société ne possède aucune expérience en matière d'aile delta, il lui faut dérisquer le programme au maximum : pour cela, il est décidé de construire une "version miniature" de l'Avro 698 : ce sera l'Avro 707 (échelle 1/3) et l'Avro 710 (échelle 1/2), des ailes volante à ailes delta qui vont pouvoir tester les commandes de vol prévues pour le futur Avro 698, de manière à défricher les problèmes techniques au maximum avant même le début d'assemblage du 698. In fine, l'Avro 710 sera annulé au vu de son coût et du temps nécessaire à sa réalisation, seul le 707 sera construit. Une version à haute vitesse dénommé 707A sera condtruite un peu plus tard. Le premier appareil, VX790, vole en septembre 1949. On notera cependant que les Avro 707 voleront un peu tard pour permettre la mise au point du 698 : les ingénieurs d'Avro sont pressés, et ne peuvent pas attendre le dépouillement de tous les résultats d'essais en vol du 707 pour mettre au point le 698.

Station Reference Diagram du Vulcan


Malgré la forme inhabituelle de l'appareil, sa construction est classique, avec un "fuselage" constitué de la partie centrale organisée autour de l'immense soute à bombe et des quatre moteurs, sur lequl viennent se greffer les deux ailes. Le tout est réalisé en aluminium tout ce qu'il y a de plus classique. Nouveauté : la gestion du centre de gravité est gérée automatiquement au niveau du carburant par des valves minutées qui permettent de mesurer la quantité de carburant déjà écoulée. Au niveau de l'avionique, le système de bombardement se compose d'un radar H2S Mk9, associé au Computer Mk1. Au niveau de la navigation, l'appareil sera équipé pour utiliser les balises ILS et TACAN existantes dans les pays de l'OTAN, les B2 seront également équipas pour utiliser le LORAN. Les B2 seront également équipés d'une centrale inertielle basé sur les gyroscopes des missiles "Blue Steel". La précision de l'ensemble avait tendance à beaucoup dériver au cours du temps, mais c'était mieux que rien ! Cette centrale inertielle permettait au bombardier de contrôler l'avion dans la phase finale du "Bomb run" via le pilote automatique avec une précision de près de 0,1° ! A partir de 1966, un radar de suivi de terrain fabriqué par General Dynamics sera rajouté.

Disposition générale du cockpit


L'équipage est assis dans un cockpit pressurisé à l'avant, et se compose de conq hommes : un pilote et un copilote, un radariste, un bombardier et un AEO, officier de guerre electronique. Les deux pilotes sont assis sur des sièges éjectables Martin-Baker à l'avant et les trois autres membres d'équipage sont assis sur des sièges fixes à l'arrière, un niveau en dessous. Un sixième siège rudimentaire était prévu pour un observateur si besoin. Une station était aménagée sous l'appareil, avec un viseur de bombardement, ou une caméra pour mesurer la précision des bombardements après la mission.

Le prototype fait son premier vol le 30 Août 1952, avec Roly Flak tout seul aux commandes. L'appareil est déjà peint tout en blanc, et immatriculé VX770, et est propulsé par des moteurs "Avon". Le problème suivant sera de nommer l'appareil : Avro propose "Ottawa" en lien avec sa filiale au Canada, alors que d'autres en interne proposent "Albion"…mais c'est finalement l'état major de la RAF qui va trancher : l'appareil s'appelera le "Vulcan". Le deuxième prototype, plus proche des exemplaires de série, vole en septembre 1953. A la demande du pilote d'essai, le volant de direction est remplacé par un manche de chasseur, donnant ainsi une particularité unique au Vulcan. Ce deuxième appareil est équipé de Rolls Royce "Olympus 101"

Planche avant du "Vulcan" avec son manche de chasseur


Le RAE va ensuite découvrir plusieurs caractéristiques de vol alarmantes : buffeting à haute altitude et haute vitesse, risque d'entrer dans un piqué à haute vitesse lors de certaines manœuvres : Avro va devoir reprendre sa copie, et plus particulièrement le design des ailes. Les nouvelles ailes aurnt un bord moins franc, et des générateurs de vortex sur les ailes pour corriger tout cela. Entre temps, le premier Vulcan de série à déjà pris l'air en février 1955, mais avec l'aile d'origine. Au niveau des commandes, les pilotes d'essais demanderont à ce que le volant d'origine soit remplacé par un manche de chasseur : le Vulcan sera le seul bombardier "V" avec un pilotage de chasseur. Les commandes sont de type hydraulique et irréversibles, avec un retour d'effort artificiel. On notera que les pompes hydrauliques étant électriques, la perte d'alimentation électrique rendait l'appareil incontrôlable. Pour éviter ce cas de figure, Avro placera des batteries de secours devant assurer 20 minutes de vol en panne éléctrique, mais en réalité, l'autonomie était beaucoup plus faible et deux Vulcan s'écraseront à la suite de cela. Des atténuations sont nécessaires en roulis et lacet pour le vol à haute vitesse. Les commandes de vol se composaient de 4 ailerons et 4 elevator, remplavés par 8 elevons sur le B2, sans oublier des aérofreins sur les ailes.

La grande voilure caractéristique du "Vulcan"


Le prototype du Vulcan sera présenté au salon de Farnborough pour la première fois en 1955, où sa manœuvrabilité sera démontré au cours de démonstrations "musclés".  Grâce à sa large voilure, le Vulcan affiche une manœuvrabilité incomparable. Second bombardier "V" à rentrer en service, les prototypes sont couleurs métal, alors que les appareils opérationnels seront peints en livrée anti-radiation blanche. Après une courte période en OCU, c'est-à-dire les unités pour la formation à partir de juillet 1956, le Vulcan entre en service opérationnel au sein du Squadron 83, basé à Waddington le 11 juillet 1957. Les premiers appareils sont des Vulcan B Mk1 propulsés par des "Olympus 101".

Le "Blue Steel" donnera de l'allonge au Vulcan

Fin 1957, le premier batch de 25 appareils est opérationnel, et le Vulcan est en service au sein de 3 escadrilles dès 1958. Les appareils assurent l'alerte nucléaire permanente au Royaume-Uni. En plus de ces tâches, certaines unités vont même participer à des exercices grandeurs natures aux côtés des B-47 et B-52 américains à Barksdale AFB pour les compétitions annuelles de bombardement du SAC. Le dernier B Mk1 est pris en compte en mars 959 avec le 45ème exemplaire. Dans le cade des exercices "Skyshield", les Vulcan vont également simuler les bombardiers stratégiques soviétiques, avec pour mission d'aller bombarder New-York, Washington et Chicago. Les résultats de ces essais, classifiés pendant des décennies, ont montré que le Vulcan pouvait pénétrer l'espace aérien américain sans être détecté, malgré son "obsolescence" !

Malgré ces succès, les britanniques se rendent compte que la protection de leurs bombardiers est trop faible, notamment en ce qui concerne les moyens de guerre électronique. Tous les vulcan Mk1 seront transformés en Mk1A avec l'ajout d'un détecteur d'alerte radar (Red Steer) et d'un système de brouillage (Blue Diver), ainsi qu'un lance leurre. Parallèlement, l'ajonction de la perche de ravitaillement sur le Vulcan va lui permettre d'augmenter son autonomie…mais selon un des pilote, le ravitaillement en vol sur Vulcan était "si dangereux qu'il a rapidement fallut apprendre à s'en passer" ! Le système ne sera plus tellement utilisé à partir des années 60, et sera même partiellement démonté.

Le "Vulcan" et sa panoplie de guerrelec


A la fin des années 50, le Vulcan, comme le Victor avant lui, sera modernisé pour améliorer ses capacités : ce sera la naissance du Mk2. Le premier appareil de ce type fait son premier vol le 31 Août 1957. Il se caractérisait par une voilure plus grande, des moteurs Olympus 200 plus puissants. Le Mk2 était également caractérisé par un cône de queue allongé contenant les équipements de contre-mesures électroniques. Le premier appareil de série fera son premier vol le 26 mars 1958 avant d'entrer en service le 1er juillet 1960. Avro pourra ainsi produire 88 nouveaux appareils pour la RAF, le dernier étant livré en janvier 1965, ce qui portait la production totale du Vulcan à 135 exemplaires, dont deux prototypes. 44 de ces nouveaux appareils seront même remotorisés par des Olympus 301 atteignant 9 tonnes de poussée. La décision de reconstruire les appareils B1 au standard B2 sera abandonnée  au vu du cout associé. Néanmoins 28 B1 seront modernisés au standard B1A, avec des moteurs plus puissants que les B1 d'origine. La RAF réceptione son premier B2, le XH558 en juillet 1960, et le dernier sera livré en 1965.

L'apparition de nouveaux systèmes de défense sophistiqués au sein du Pacte de Varsovie vont également forcés à moderniser l'armement des bombardiers, ainsi que les méthodes de bombardement. C'est ainsi que dès 1963, les équipages de Vulcan vont devoir apprendre le vol à basse altitude en vue de passer sous la couverture radar du pacte de Varsovie. Pour permettre aux appareils de voler de nuit, un avertisseur radar sera monté dans le nez des Vulcan, alors même que tout le mécanisme de ravitaillement en vol sera démonté. Cependant, l'idée d'installer un radar de navigation qui faisait cruellement défaut sur l'appareil ne fut pas retenue. Les Vulcan perdirent également leur livrée anti-radiation blanche qui sera remplacée par un camouflage vert et gris, plus adapté aux vols à basse altitude.

Le camouflage sera progressivement introduit à toute la flotte


D'autres modifications auront lieu tout au long des années 60. Les bombes nucléaires "Blue Danube" qui devaient être larguées directement au dessus de l'objectif à moyenne altitude seront remplacés par la WE177 "Red Beard", une autre bombe nucléaire, plus légère et pouvant être larguée depuis une altitude plus importante. Peu de temps après, ce sera au tour de la bombe thermonucléaire "Yellow sun" d'entrer en service, puis du missile "Blue Steel", utilisable à distance de sécurité, qui permettait d'allonger encore l'allonge des Vulcan.

L'étape suivante aurait du être le missile Blue Steel II, mais celui-ci sera annulé, remplacé par le "Skybolt" américain de chez Douglas…qui sera également annulé. Dommage, beaucoup de Vulcan avaient déjà été modifiés pour accueillir le nouveau missile qui ne sera jamais mis en service. Au moins 28 B.2 avaient reçus des pylônes sous les ailes en prévision. Le "Blue Steel" restera donc en service plus longtemps, en attendant que les missiles "Polaris" de la royal Navy deviennent opérationnels. Les Vulcan adopteront un nouveau profil de vol, alternant vol à haute altitude et haute vitesse puis pénétration à basse altitude pour pénétrer les défenses soviétiques, avant de grimper pour lancer le "Blue steel". Le Vulcan n'étant d'ailleurs pas conçu pour opérer à basse altitude, il était limité à 350 nœuds au plancher, le tout avec un niveau de vibration très fatigant pour l'équipage. Le "Blue steel" était également compléme,té par la bombe nucléaire tactique commune WE177, larguée par parachute.

La WE177, bombe nucléaire commune anglaise


En janvier 1968, les derniers Vulcan B Mk1A seront envoyés à la ferraille, ne laissant que des B Mk2 en service,  qui sont continuellement modernisés : équipements de Guerre Electronique, radar de suivi de terrain, arme nucléaire commune WE177 etc... 

Mais en1969, c'est le retrait du "Blue Steel" qui va le dépouiller de sa mission nucléaire, ne lui laissant que la mission de bombardement classique. Les Vulcan sont ainsi reversés à des missions de bombardement classiques, et aussi à des missions de patrouille maritime et de ravitaillement en vol. Le Vulcan pouvait emporter jusqu'à 21 bombes de 1000 livres (454kg) en mode bombardement classique, capacité que la RAF démontrait mensuellement via des exercices de bombardement.

En novembre 1973, le Vulcan reçoit une nouvelle mission : la patrouille maritime : il va recevoir un nouveau radar, ainsi qu'un Loran et une nouvelle peinture anti-corrosion pour se protéger de l'air salin. Ces appareils seront mis en œuvre par le 27 Squadron à Scampton.

L'immense soute à bombe du "Vulcan"


En 1982, alors que la fin semble proche pour le "Vulcan", il va être appelé à la rescousse une dernière fois : la guerre des Malouines va demander à la Royal Navy de fournir l'appui aérien car il n'y a aucune base à portée pour la RAF…mais le chef de la RAF, sir Michael Beetham, propose à Margaret Thatcher une idée audacieuse : aller bombarder les Malouines depuis l'île d'ascension grâce à un Vulcan et une flotte de "Victor" de ravitaillement : c'est le départ des opérations "Black Buck". Tout au long de la campagne, le Vulcan effectuera trois missions de bombardement et deux missions de destruction de site radar grâce aux missiles anti-radar "Shrike". 5 Vulcans seront modifiés pour ces missions : centrale inertielle, système de ravitaillement en vol réinstallé, installation du "Shrike" etc…

Le système de ravitaillement en vol sera remis en service pour les Malouines


A la fin de la guerre des Malouines, les appareils ne vont pas pouvoir prendre leur retraite tout de suite : beaucoup de Victor ont terminé la campagne usé et fatigué, et en attendant l'arrivée des VC-10, six Vulcan sont convertis en citerne volante pour dépanner : ce sera la naissance du Vulcan "K2", mmais cette mission sera de courte durée : le 31 mars 1984, c'est le dernier vol d'un Vulcan pour la RAF. Après une production de 134 appareils, le dernier part à la retraite pour ferraillage. Ainsi se terminait la carrière de l'aile volante d'Avro.

L'heure du musée sonne pour le "Vulcan"


Pourtant ce n'était pas la toute fin : quelques années plus tard, un Vulcan sera sauvé des griffes des ferrailleurs, et sera remis en état de vol. Cet appareil est le XH558, et il vole encore aujourd'hui grâce aux efforts d'une association qui arrive à réunir le financement nécessaire pour faire voler un tel appareil, et c'est une vedette dans les meetings. Je pense d'ailleurs qu'il doit être le seul "jet" de cette taille à appartenir à une société privée qui soit encore en état de vol. Il fera sans doute son dernier vol en 2015, et lorsqu'il prendra sa retraite, la page des "V bombers" sera alors définitivement tournée.

lundi 15 septembre 2014

20 ans du premier vol d'un Beluga

C'était le 13 septembre 1994 : un nouvel appareil prend l'air à Toulouse. Il ne s'agit pas d'un appareil comme les autres, mais du premier des Béluga, qui va enfin pouvoir remplacer les "Super Guppy" qui sont à bout de souffle. Retour sur le premier vol d'un appareil qui est aujourd'hui indispensable à la bonne marche du groupe Airbus.

La "baleine volante" d'Airbus, le Beluga


A la fin des années 80, la flotte de 4 Guppy d'Airbus demandait des soins constants : les  pièces détachées devenant de plus en plus rares, la situation devient de plus en plus critique. Partant de ce constat, l'état major d'Airbus commence à prendre conscience qu'il faudrait peut-être trouver une alternative ou un remplaçant aux Guppy. Une étude de faisabilité fut entreprise dès juin 1990 pour trouver un remplaçant, prenant à contre-pied toutes les études en vue de construire un ou deux Guppy supplémentaires ! Construire un avion en prenant une cellule de presque quarante ans d'âge ne ferait tout simplement pas l'affaire : il fallait tout reprendre à zéro. A zéro ? Pas tout à fait : le concept du Guppy avait largement fait ses preuves, et il suffisait d'adapter le concept d'élargissement du fuselage à une cellule plus moderne pour disposer d'un appareil plus récent.

Remplacer le Super-Guppy


L'avion de base retenu sera l'A300-600R, rentré en service en mai 1988, version à long rayon d'action de l'A300-600. L'étude de faisabilité se termine en avril 1991, et une étude d'industrialisation, suivra et sera rapidement approuvée par Airbus : le 22 Août 1991, le programme de l'A300-600 Super Transporter est lancé !

Afin de mener le projet à bien, une société sera même crée entre l’Aérospatiale et DASA : la Special Aircraft Transportation International Company (SATIC), et Udo Dräger en est nommé président. Les choses allèrent vite : la SATIC est fondée le 20 octobre 1991, et les discussions avec les sous-traitants commencent dès février 1992. Les études et l'assemblage des premiers sous-ensembles démarrent rapidement, et l'assemblage du premier "Super Transporter" débute le 11 janvier 1993 au sein des hangars de la SOGERMA à Colomiers, et sa sortie de hangar aura lieu le 23 juin 1994. Pour l'occasion, le Guppy numéro 3 sera emprunté par la SATIC pour accueillir le nouveau venu à sa sortie du hangar !

Retour à la maison pour le béluga no5


Au niveau de la structure, les équipes de la SATIC vont reprendre le concept du Guppy, mais en changeant un élément important : le nez. Contrairement à un nez pivotant comme le Guppy qui oblige à ouvrir l'appareil en deux, la SATIC décide d'abaisser le cockpit de l'A300 et de réaliser une porte basculante au dessus : c'est un point important pour permettre d'atteindre l'exigence d'Airbus de pouvoir charger le Super Transporter en seulement 45min !

Publicité de la SATIC pour le "Beluga Transportalis"


Malgré la forte opposition du management d'Airbus, le terme de "Super transporter" est rapidement abandonné pour être remplacé par le sobriquet de "Beluga" en référence au "Delphinapterus leucas" dont le nez rappelle étrangement celui de l'avion.

L'immense porte du Béluga avale les voilures des A330 sans aucun problème !

Le vendredi 9 septembre 1994, les derniers préparatifs ont lieu sur le Béluga, immatriculé F-WSTA, pour un premier vol le mardi suivant, 13 septembre. Tout se passe bien et l'appareil est presque prêt. En fin de soirée, la plateforme élévatrice est amenée devant le Beluga, mais elle est mal positionnée..et c'est le drame : la plateforme va impacter le radôme du nez, en le cisaillant presque en deux ! Il reste trois jours avant le premier vol...et tout d'un coup cela semble compromis.

En urgence, le radôme est démonté et emmené en atelier pour une inspection d'urgence, mais il est à peine réparable...et il n'y a aucun autre radôme à Toulouse. Dans la nuit les coups de téléphones commencent à fuser entre Toulouse, Hambourg et Brême. Il faut appeler en urgence l'usine de Donauwörth en Allemagne : c'est là que les radômes sont fabriqués, et par chance, le radôme du deuxième Béluga est prêt à être expédié ! Airbus va donc dépêcher un appareil en urgence pour amener ce radôme à Toulouse !

13 septembre 1994, le F-WSTA est prêt à partir

Le mardi 13 septembre arrive, et heureusement le nouveau radôme est arrivé à temps ! Le F-WSTA s'aligne en bout de piste à Blagnac : il est 9h du matin, et l'appareil est fin prêt pour son premier vol ! Aux commandes de la baleine, on trouve un équipage de quatre vétérans : Gilbert Defer, commandant du vol, Lucien Bernard, pilote, et deux ingénieurs de vol : Didier Ronceray et Jean-Pierre Flamant.

Parmi les nombreux spectateurs en bord de piste, on trouve deux vétérans d'Airbus : Max Fischl, qui pilotait le premier vol de l'A300, et Félix Kracht, celui là même qui avait trouvé et fait acheter le premier Guppy en 1971 pour Airbus. Le hangar de la Sogerma où est assemblé le second Béluga est vide : tous les compagnons sont dehors pour observer le premier décollage de "leur" appareil !

Décollage !


Il est 9h01 lorsque Gilbert Defer pousse les manettes des gaz à fond, et l'appareil s'élance majestueusement sur la piste, avant de décoller, achevant ainsi de convaincre les derniers détracteurs de l'appareil sur sa capacité à voler !

L'appareil n'est pas seul : pas moins de deux appareils escortent la nouvelle baleine d'Airbus, en plus des 6 tonnes d'équipements de mesure qui surveillent les moindres faits et gestes de l'avion. Le vol va durer 4 heures et 21 minutes, durant lesquelles le train atterrissage sera testé, ainsi que le comportement de l'appareil à basse vitesse, puis à haute vitesse et haute altitude, on en accomplit rarement au cours d'un premier vol ! L'appareil aura accompli tous les objectifs prévu pour son premier vol : une vitesse atteinte de Mach 0,65, et une altitude de 30 000 pieds.

Le F-WSTA deviendra le F-GSTA, premier des 5 Bélugas


Au retour du Beluga sur le plancher des vaches à l'issue de ce premier vol, tous sont convaincus que l'avenir de la logistique d'Airbus sera assurée pendant encore de nombreuses années ! 20 ans après, force est de constater que les 5 Belugas sont un élément crucial d'Airbus et le resteront pendant encore de longues années, même si la suite se prépare déjà !

jeudi 11 septembre 2014

Le Vickers "Valiant"

Le "Valiant" sera le premier des "V bombers", la flotte de bombardiers capables de transporter l'arme nucléaire. Conçu en tant que simple appareil de transition avant l'arrivée d'appareil plus moderne, il allait se révéler un appareil aux performances rivalisant avec ceux qui devaient le remplacer.

Le Vickers "Valiant"
Si l'Air Ministry avait besoin de bombardiers avancés, il fallait un appareil d'intérim, capable de prendre l'air le plus tôt possible pour ne pas laisser la Grande-Bretagne sans protection. C'est en ce sens que George Edwards, chef du bureau d'étude de Vickers va présenter la chose aux officiels : il s'engage même à faire voler l'appareil moins de 30 mois après la signature d'un contrat avec la RAF ! La mise au point commence donc sur les chapeaux de roues, et va mobiliser tout le bureau d'étude de Vickers de manière très intensive pour mettre au point un premier prototype.

Le prototype du "V660", immatriculé WB210 effectue son premier vol le 18 mai 1951, à partir de la petite piste en herbe de Wisley, usine d'assemblage de Vickers, concepteur de l'appareil. Piloté par Jock brice et Mutt Summers (qui était aussi le premier pilote du "Spitfire"), le prototype va vite révéler de belles qualités de vol. Ne pouvant rester à Wisley, il va partir pour Hurn, près de Bournemouth pour ses essais. Un mois plus tard, l'appareil est baptisé "Valiant" après un sondage auprès des employés de Vickers.

Ecorché du "Valiant"

Le prototype sera perdu peu de temps après, en janvier 1952, suite à un incendie en vol. Tout l'équipage est sauvé sauf le copilote qui va heurter la dérive lors de son éjection. L'enquête montrera que son siège éjectable n'était pas équipé de la bonne cartouche de poudre… Malgré cet accident, l'avion n'est pas mis en cause, et le programme d'essais en vol peut continuer. Le système de carburant sera modifié pour empêcher pareil drame à l'avenir et le deuxième prototype, Type 667 immatriculé WB215, prend l'air le 11 avril 1952

Le "Valiant possède une aile haute et un train d'atterrissage tricycle entourant une large soute à bombe capable d'accueillir la bombe atomique britannique, ou alors des bombes classiques. La particularité du Valiant est sa "colonne vertébrale" : Une unique poutre renforcée qui supporte à la fois la "wing box", la soute à bombe et le fuselage pressurisé. Cette poutre massive était réalisée en alliage de zinc et d'aluminium, un mélange qui se révèlera problématique par la suite. La queue est montée en arrière et en hauteur du fuselage, de manière à être loin des échappements des moteurs. La motorisation de série sera constituée du Rolls Royce "Avon 201" fournissant 4,2 tonnes de poussée. Les 4 moteurs sont implantés à la base des ailes contre  le fuselage. Les entrées d'air rectangulaires du prototype vont rapidement laisser place à des entrées d'air en forme de lunettes pour donner plus d'air au moteurs, surtout lors du décollage.

Les entrées d'air définitives
Le Valiant se composait d'un équipage de 5 hommes dans la cabine pressurisée tout à l'avant. Cette cabine était en forme d'œuf de manière à limiter les efforts sur la sructure lors des cycles de pressurisation. Une grande porte ovale permettait l'accès à bord à l'aide d'une échelle extérieure. Comme tous les bombardiers V, les deux pilotes étaient assis sur des sièges éjectables en position surrélevés, alors que les trois hommes d'équipages supplémentaires étaient assis "dos à la route" sur des sièges simples, non éjectables., un niveau plus bas que les pilotes. J'ai toujours trouvé cette "discrimination" entre les officiers ayant droits à des sièges éjectables et les sous-officiers n'ayant droit qu'à de simples sièges un peu limite, mais c'était comme ça.

Les pilotes disposaient de sièges éjectables...mais pas les 3 autres membres d'équipage qui devaient sauter à l'ancienne en cas de problème...


Les deux pilotes à l'avant s'occupait de la conduite du vol, pendant qu'à l'arrière le Nav-Radar gérait la navigation au radar et les radios, le Nav Plotter gérait la navigation, et l'AEO ou Air Electronics Officer gérait l'ensemble des systèmes de guerre électronique de l'appareil. On retrouvera cette disposition sur tous les bombardiers V, à l'exception du "Victor" où les cinq hommes d'équipages étaient au même niveau. Les commandes de vol sont hydrauliques avec un secours manuel, permettant ainsi de piloter le bombardier dans toutes les conditions.

Aménagement du cockpit avant du "Valiant"
Le Valiant dispose d'un radar H2S (hérité des bombardiers de la Guerre mais en version amélioré) et d'un système de bombardement à vue à l'avant, logé sous le nez. L'appareil disposait en outre du Navigation Bombing Computer Mk2. Avancé pour son temps, le système permettait de suivre la course de l'appareil pour larguer son chargement à l'instant optimum. Ce système était encore entièrement analogique, fonctionnant avec un système complexe de poulies et de renvois. Il permettait nénamoins une précision de l'ordre de 90m à une altitude de 12 000 mètres.

Après un premier contrat portant sur 25 appareils, la RAF va finalement en commander un total de 104 ! Le Royaume-Uni devient une puissance nucléaire le 3 avril 1952, avec la détonation de son premier engin nucléaire, nom de code "Blue Danube", mais si le Royaume-Uni possède la Bombe, il lui manque encore une disuasion crédible, c'est-à-dire une flotte de sous-marins et des bombardiers à la pointe de la technologie. Le temps pressait pour la RAF !

Vue de la planche de bord des 3 officiers arrière

Le Valiant entre en service début 1955 sur la base de Gaydon pour l'entrainement des équipages et la formation des mécaniciens, puis en juillet 1955 sur la base de Wittering, le Squadron 238 est déclaré opérationnel sur "Valiant". L'unité sera le premier des dix squadrons à mettre en œuvre le "Valiant". Représentant une toute nouvelle classe de bombardiers, seuls les piloes les plus expérimentés pouvaient être retenus pour voler sur Valiant : les pilotes devaient avoir au moins 1700heures de vol, dont une expérience sur Canberra, appareil jugé le plus proche du nouvel appareil. Les premiers "Valiant" n'auront pas vraiment de capacité nucléaire : ils n'auront même pas de système de navigation et de bombardement moderne avant 1956 ! C'est principalement pour entrainer les équipages à manier un quadrimoteur à réaction plutôt que des bombardiers à moteurs à pistons. Dans un premier temps, tous les appareils recoivent une livrée argentée, mais elle sera rapidement remplacée par une peinture blanche anti-radiation, destinée à protéger l'appareil du "flash" thermique d'une explosion nucléaire.

La première version à rentrer en service sera le type 660 BMk1 (33 exemplaires produits), qui se caractérisait par des entrées d'air "en fanions". Il s'agissait de la première version, qui ne possédait ni perche de ravitaillement en vol ni de réservoirs supplémentaires sous les ailes.

Flightline de Valiant de la RAF

La version suivante sera le Type 710 B(PR)Mk1 (26 exemplaires produits), qui était une version de reconnaissance équipée de caméras, mais la plupart de ces appareils seront convertis en bombardiers. Cette version possédait des entrées d'air ovales, ainsi qu'une perche de ravitaillement en vol et des bidons supplémentaires de carburant sous les ailes.

La version "ultime" du Valiant sera le Type 673 Valiant B Mk2, qui fit son premier vol dès le 4 septembre 1953. Le prototype du B.2 était le WJ954, qui était peint tout en noir  pour promouvoir la livrée nocturne des Valiant. Doté de moteurs "Avon" plus puissants, ainsi que des carottes de Kruchemann en arrière de la voilure.

Diagramme de chargement du Valiant...avec une bombe "classique" pour figurer l'arme nucléaire...

C'est le 11 octobre 1956 que va avoir lieu le premier test en vraie grandeur de la dissuasion britannique : ce jour là, un "Valiant" du Squadron 59 va larguer une bombe atomique armée "Blue Danube" dans un champ de tir du désert australien.

C'est également en octobre 1956 que le "Valiant" va connaitre son baptême du feu : plusieurs appareils seront déployés à Malte pour soutenir les opérations du canal de Suez : dans la nuit du 30 octobre au 1er novembre, des "Valiant" bricolés en urgence avec un viseur rudimentaire vont bombarder des objectifs militaires en Egypte avec des bombes classiques.

La bombe "Yellow Sun" sur son berceau
Le 15 mai 1957, un autre "Valiant", le XD818, va larguer pour la première fois une bombe thermonucléaire anglaise "Short Granite" près de l'île de Malden dans le cadre de l'opération "Grapple", testant par la même occasion une manœuvre lui permettant de se trouver à plus de 20 km du lancement lors de l'explosion, assurant ainsi la survie de l'appareil. Le test est un semi-échec : la bombe n'a pas fonctionné comme prévu et n'a délivré que 30% de son potentiel destructif…mais le Valiant à pprouvé qu'il pouvait transporter puis armer et larguer une bombe H. Le Valiant utilisé pour cet essai est le seul qui a été conservé, et se trouve aujourd'hui au musée de Cosford, repeint dans les couleurs de l'opération Grapple. D'autres essais de largage auront lieu jusqu'en novembre 1958 où le gouvernement prend la décision d'arrêter les essais atmosphériques.

Gros plan sur le train atterrissage du "Valiant"
La chaîne d'assemblage ferme en septembre 1957, après la livraison du 104ème "Valiant" à la RAF. Entre temps, le "Valiant" déviait de plus en plus de sa mission d'origine : avec l'arrivée massive des "Vulcan" et "Victor", bon nombre de "Valiant" seront convertis en citerne volante : c'est même le "Valiant" qui va servir pour la définition des procédures de ravitaillement en vol de la RAF dès 1958. Les britanniques vont reprendre et perfectionner la méthode du panier pour le ravitaillement en vol des bombardiers "V" ce qui permettait d'accroître leur rayon d'action bien au-delà de ce qui avait été prévu à la base. Les Valiant seront cependant davantage sollicités pour venir en aide aux chasseurs qu'aux bombardiers. Pour ravitailler d'autres appareils, le Valiant emportait une citerne de carburant dans sa soute à bombe, à laquelle était accrochée un entonnoir et un tuyau souple qui pouvait être enroulé ou déroulé depuis le cockpit. Revers de la médaille, le Valiant devait ravitailler les autres chasseurs avec ses portes de soute à bombe ouvertes, ce qui augmentait sa traînée et lui faisait consommer plus de carburant. La RAF va ainsi pouvoir organiser des démonstrations de force à l'intention des observateurs étrangers : en 1960, un bombardier Valiant, ravitaillé par d'autres Valiant prépositionnés pourra rallier Singapour depuis l'Angleterre sans se poser une seule fois ! En 1961, un Vulcan fera le vol non stop de l'Angleterre jusqu'en Australie.

La nouvelle peinture des Valiant...


L'arrivée massive des Victor et Vulcan va permettre d'utiliser les Valiant pour de nouvelles missions : 3 escadrilles de Valiant seront ainsi mis à la disposition de l'OTAN pour des missions  "tactiques" au 1er janvier 1960. Parmi ces missions, le Valiant va être affecté à des missions de pénétrations à basse altitude, étant équipé de la bombe atomique américaine B-43. Quelques modifications seront apportées aux appareils : un radôme métallique, des protections contre les projections de débris. Dès 1956, les premiers essais de vol à basse altitude ont lieu, et malgré un haut niveau de vibration, le Valiant est déclaré OK pour les missions tactiques.

En 1963, quelques Valiant seront repeints en camouflage, avec une peinture verte et grise plus adaptée à la pénétration à basse altitude; 3 squadrons avaient été équipés pour les missions tactiques. Malheureusement, le Valiant n'avait pas été conçu pour faire de la pénétration à basse altitude : sa structure allait se révéler trop fragile pour ce genre d'opérations.

Ravitaillement en vol d'un Vulcan par un Valiant...


Le 6 Août 1964, lors d'un vol de routine, un Valiant et son équipage vont rentrer avec les pires difficultés : suite à  un bang sonore, l'appareil est à peine contrôlable, et l'équipage se pose en catastrophe sur sa base. L'équipage est persuadé d'être rentré en collision avec un autre appareil, mais une inspection de la structure va révéler quelque chose de beaucoup plus grave : le longeron d'aile arrière droit s'est rompu, suite à d'énormes criques de fatigue qui sont découverte sur toute la voilure. Rapidement il apparaît que la voilure était à deux doigts de se détacher lorsque le Valiant à passé le mur du son à basse altitude.

Le "pod" de ravitaillement des Valiant installé dans sa soute à bombe


Du jour au lendemain, toute la flotte de Valiant est interdite de vol, et les appareils sont inspectés un par un. La situation est dramatique : tous les appareils ont des criques ou des microfissures au niveau de la jonction fuselage-voilure. Une étude fait apparaître que ces criiques venaient de l'alliage d'aluminium choisi par Vickers pour la réalisation de la "wing box", couplé aux vibrations des vols à basse altitude. Aujourd'hui encore, ce qui a provoqué ces criques de fatigue n'est pas encore connu publiquement avec certitude. Est-ce que c'est seulement le vol à basse altitude qui a généré ces criques ? Ou est ce que la conception même de l'appareil, et plus particulièrement l'alliage léger utilisé pour la poutre porteuse de la structure est aussi en cause ? Il semblerait en tout cas que les deux sont liés.

Les déboires structuraux du "Valiant" vont sonner sa fin de service...
Un tri en trois catégories est fait : la catégorie "A" regroupe les appareils qui peuvent encore voler, la catégorie "B" ceux qui doivent être réparés mais peuvent encore voler pour rallier une base avec de bons moyens d'entretiens, et la catégorie "C" c'est-à-dire la catégorie de ceux qui doivent être interdits de vol sur le champ et ne peuvent pas repartir avant réparations. Les appareils les plus atteints sont retirés du service sur le champ, et ceux qui sont gardés doivent voler le moins possible. Progressivement cependant, le nombre de Valiiant diminue de semaine en semaine : face aux nombreux Victor et Vulcan en service, les appareils au bout du rouleau sont juste garés en extérieur à côté des hangars et encore cela ne va pas durer très longtemps : le 9 décembre 1964, tous les Valiant sont rayés des listes de la RAF et ordre est donné de les expédier à la ferraille sans autre forme de procès. Il ne restait d'ailleurs à cette date plus que 50 Valiant encore en état de vol. Les longerons d'ailes de l'ensemble de la flotte comportaient de nombreuses criques, voire même de vrais trous par endroit ! Le dernier vol d'un Valiant est effectué par le XD818, celui-là même qui avait participé à l'opération "Grapple".

Le XD818 sera le dernier Valiant à voler
Ainsi se termina la carrière du Valiant au sein de la RAF, de manière aussi soudaine qu'imprévue. Bombardier de transition, son rôle et ses capacités seront toujours sous-estimés par les pro-Vucan et Victor, qui voyaient dans le Valiant un appareil conçu deux fois plus vite que le leur et pourtant avec des capacités similaires !

La fin sera tellement rapide qu'aucun musée n'aura le temps de sauver un appareil. Un unique Valiant sera épargné : le XD818. Préservé à Hendon, il sera ensuite démantelé et transporté à Cosford, où il se trouve toujours, après avoir été repeint aux couleurs qu'il portait pendant l'opération "
"Grapple".

Une retraite bien méritée !