lundi 26 août 2013

Un Airbus très spatial

Quelle est la principale différence entre vivre sur Terre et sur la station spatiale internationale ? L'absence de gravité bien sûr ! On "flotte" là-haut !

Un avion presque comme les autres...

Pour être plus précis, il y a une gravité, mais très faible, rien à voir avec ce que l'on peut connaitre sur Terre. On parle donc de "micropesanteur" (terme correct) ou "microgravité"  (terme inexact en français, car made in USA…) ou encore "apesanteur" (terme correct grammaticalement mais inexact techniquement car il subsiste une faible pesanteur !). Il n'y a pas moyen de simuler cet état sur Terre…dès lors comment entraîner les astronautes ? C'est impossible ? Non bien sûr, sans quoi il n'y aurait pas d'article : le seul moyen de simuler la micropesanteur est de prendre un avion un peu spécial, qui permet de simuler l'absence de pesanteur à l'aide d'une trajectoire adéquat qui amène l'appareil en chute libre, pendant un court moment, de l'ordre de trente secondes.

écorché de l'A300 zéro G


Il en existe principalement deux, un en France l'autre aux Etats-Unis. Les américains possèdent un KC-135 modifié, appelé le "reduced gravity aircraft" (avion à pesanteur réduite), mais surnommé le "vomit comet" par tout ceux qui sont déjà montés à bord ! En France, la société "Novespace", une filiale du CNES, possède un (très vieil) A300, un A300B2-1C1 pour être précis, immatriculé F-BUAD qui est aménagé pour les vols paraboliques. Il s'agit du MSN 003

Prototype de l'A300B2, Airbus l'a utilisé pour pas mal d'essais liés aux commandes de vol de l'A320, ou pour tester les moteurs General Electric CF6. Il a effectué ses premières missions pour le CNES en 1988, pour la préparation du premier vol habité français de Jean-Loup Chrétien.

Cet avion a été acheté par Novespace à Airbus en 1996, pour remplacer l'ancien, une Caravelle appartenant au CEV, nommé "Caravelle 0g" (c/n 003). Le changement d'un très vieil avion pour un avion à peine moins vieux somme toute…il faudra plus d'une année d'essais pour modifier et rôder les pilotes pour faire des paraboles.

Caravelle dite "0g" du CEV (c/n 234)

Ce nouvel appareil (tout est relatif, il a été fabriqué en 1973…mais compte à peine 5000 heures de vol au compteur) possède un compartiment passager modulable et matelassé, offrant une surface au sol de près de 200m² pour emporter des expériences…ou des passagers. La cabine possède des rails et des fixations adaptées à différents types d'expériences scientifique. Il effectue d'ailleurs de vols commerciaux depuis décembre 2012, le tout à raison de 6000€ par passager pour une quinzaine de paraboles. C'est un grand succès, et le public se bouscule déjà pour partir faire un tour parabolique, donc si vous vous sentez l'étoffe d'un astronaute, foncez !

En parallèle, le F-BUAD peut aussi être utiliser pour réaliser des missions scientifiques annexes. Il a ainsi déjà servi plusieurs fois pour observer la rentrée dans l'atmosphère de l'étage principal cryotechnique d'Ariane 5, dans le cadre des missions "ARTA". Dans le cadre de ces missions, un radar peut être monté sur la porte cargo principale.

Vue de la cabine passagers


A son bord, en plus des passagers et scientifiques, on trouve un équipage d'essais de la DGA, qui est spécialiste des "acrobaties" à effectuer pour simuler l'apesanteur, voire la gravité martienne (0,38g) ou même la gravité lunaire (0,16g). Il se pilote à quatre : deux pilotes et deux mécaniciens navigants. Un mécanicien navigant gère la poussée des moteurs, et l'autre les alarmes, car une parabole met l'avion en situation inusuelle, et il y a un concert de klaxon à chaque fois, il faut donc vérifier qu'il n'y a pas d'alarme "anormale" durant une ressource. Le cockpit a été légèrement modifié, avec la présence d'un accéléromètre, et quelques commandes ont été changées de position pour pouvoir être actionnées même lors des paraboles.

(regardez à partir de 0'29" pour une vue de la parabole depuis le cockpit)

Comment se déroule une parabole ? Pour faire (trop) simple, c'est un peu comme prendre une bosse douce un peu vite en voiture : vous sentez votre estomac bouger un peu..là c'est un peu pareil. Au début d'une parabole, l'avion vole droit…les moteurs sont poussés à fond pour amener l'avion à son MMO (Maximum Mach Operating, sa vitesse maximum). Une fois cette vitesse atteinte, le pilote tire sur le manche pour mettre l'avion en cabré à 45°…l'appareil commence alors à grimper tout en perdant de la vitesse, et les passagers subissent 1,8g. Passé un palier déterminé, le mécanicien navigant ramène les moteurs au ralenti vol, et l'avion suit une trajectoire balistique, en chute libre le long de sa parabole : la phase d'apesanteur commence. Arrivé à une vitesse déterminée, le pilote met "manche au tableau" pour faire piquer l'appareil, et le mécanicien redonne de la puissance aux moteurs : l'accélération revient  jusqu'à 1,8G, pendant que le pilote remet l'avion en vol horizontal. Quelques secondes de repos, le temps de vérifier que tout le monde va bien et c'est reparti pour une nouvelle parabole ! Le "zéro G" effectue ainsi à peu près 30 paraboles par vol.

profil d'une parabole (CNES)


Tout ce profil de vol vous semble sans doute compliqué, mais c'est la seule manière de simuler les conditions du vol spatial…sans aller dans l'espace pour de vrai. Une fois l'appareil revenu au sol, il faut dépouiller les calculateurs de l'avion pour vérifier qu'il n'a pas effectué de manœuvre trop violente susceptible de l'endommager. Plusieurs capteurs et accéléromètres sont positionnés dans la queue et dans les ailes de l'appareil pour mesurer les déformations et accélérations subies lors de chaque parabole. C'est particulièrement crucial pour l'A300 vu qu'il vole vraiment à la limite de son enveloppe de vol. Il faut également dépouiller les résultats des expériences scientifiques...et ramasser les sacs blancs distribués aux passagers…qui généralement ont été bien utilisés par ceux qui viennent de goûter aux joies de l'apesanteur pour la première fois…

Vient ensuite le temps de préparer la campagne de vols suivante, étape qui peut prendre plusieurs semaines voire plusieurs mois, le temps de mettre au point le programme d'expérience.


D'autres vues, plus centrées sur les expériences

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