lundi 22 juillet 2013

Voler, Soviet style

Les procédures de vol, soviet style

Malgré la Guerre Froide, il est arrivé en plusieurs occasions que des vols diplomatiques ou vols VIP aient lieu au dessus du territoire "ennemi"...on peut penser à la visite  de Kennedy à Berlin en 1963, ou la visite historique de Richard Nixon en Chine en 1973, sans parler de celle de Khrouchtchev aux Etats-unis en 1959. A cette occasion, le leader soviétique voyagera à bord du dernier né des avions de transport soviétique, le Tupolev Tu-114...un monstre dont personne ne connaissait les dimensions exactes...ce qui fait qu'à l'arrivée à Andrews AFB, il n'y avait aucune échelle assez haute pour atteindre la porte...forçant Kroutchev et la délagation soviétique à descendre via une échelle par une issue de secours...

Le Tupolev 114...très haut sur pattes


Lors des vols soviétiques aux Etats-Unis, pour éviter tout problème, la procédure prévoyait que l'appareil fasse un arrêt lors de son entrée sur le territoire américain, et qu'un navigateur de l'US Air Force monte à bord, accompagné d'un agent de l'immigration pour faciliter l'arrivée. Le but du navigateur (ou pilote escorteur) est de donner un coup de main avec le contrôle aérien. Il est aussi souvent entraîné à "regarder autour de lui", façon CIA, histoire de faire un rapport sur les technologies et méthodes soviétiques.

Au cours de ces quelques vols...ils ont eu l'occasion d'en voir des vertes et des pas mûres pour ne pas dire plus. En résumé, les soviétiques avaient leur propre conception des règles de navigation aérienne...je vous en livre ici un petit florilège : 

En 1961, lors d'un vol amenant le ministre des affaires étrangères Gromyko, le navigateur propose une carte de navigation aérienne au pilote d'Aeroflot. Celui-ci décline poliment, expliquant qu'il a "ce qu'il faut"...quelques minutes plus tard, le navigateur n'en croit pas ses yeux : le pilote utilise une carte...routière (et périmée en prime) ! Malgré son insistence, le pilote refuse d'utiliser la carte fournie par son hôte américain, craignant sans doute d'être victime de propagande impérialiste...

La "source sûre" de navigation des pilotes soviétiques


Quelques mois plus tard, rebelote...Cette fois la carte est à jour....mais c'est encore une belle carte routière...une carte publicitaire de chez ESSO...

Autre vol, autre frayeur : un avion emportant l'ambassadeur soviétique aux Nations unies doit se dérouter de New-York vers Boston...le pilote, peu familier avec le terrain, rate son approche ILS et termine 100 mètres sous le faisceau...seul le réflexe du pilote de remettre les gaz à la dernière seconde permet à l'avion de terminer sur la piste et non pas au fond de la baie...

Un autre pilote d'Aeroflot sur un vol de Gander à la Havane va descendre de plus de 1000 mètres de son altitude assignée. Le tout sans aucune autorisation...ou explication ! Le navigateur américain finira par brandir la menace de se faire intercepter par les chasseurs de l'US Navy en patrouille dans la zone pour que le pilote accepte de remonter. Le navigateur cubain, également à bord de l'appareil, refusera de remonter à bord à l'escale suivante...

Sur un Tupolev 104, une mauvaise gestion du carburant va se solder par une presque panne sèche. Alerté au dernier instant par le pilote soviétique (un peu gêné) qu'il n'a plus de carburant, le navigateur déclare une urgence, et demande un aterissage prioritaire à JFK dans le sens inverse pour éviter les zones peuplées...l'avion se pose avec moins de 10 minutes de carburant dans les réservoirs...l'aéroport de déroutement le plus proche était à 30 minutes de vol...oups comme on dit...

Un Tupolev 104 d'Aeroflot


Autre avion...un Iliouchine 62 en route pour JFK...le copilote du vol sort une carte VOR...seulement voilà, ce n'est pas la carte envoyée par le département d'état  quelques semaines plus tôt...c'est un dessin "à la main" reprenant de manière (très) approximative les positions des balises et les couloirs de vol. Quelques minutes après le changement de fréquence, le contrôleur au sol annonce que l'avion ne suit pas le plan de vol prévu...le ton monte dans le cockpit entre le navigateur américain et les pilotes soviétiques...l'approche se fera finalement "à vue" au mépris de tous les règlements en vigeur...

A New-York, alors qu'un avion devait ramener un VIP à Moscou, l'équipage ne parvient pas à démarrer le moteur numéro 4...plutôt que de réfléchir à comment réparer le moteur, l'équipage commence à préparer son décollage...sur 3 moteurs ! Le navigateur n'en croit pas ses oreilles, et demande si c'est une pratique courante....ce à quoi les pilotes soviétiques répondent que "ça arrive à l'occasion"...finalement le navigateur fera bloquer le vol jusqu'à ce que le moteur soit réparé...

Un grand quadrimoteur, l'Iliouchine 62

Autre vol de Toronto à la Havane...avec le président du conseil des ministres Kossyguine à bord...les deux radios HF sont en panne...et l'avion étant hors de portée VHF, l'appareil reste hors contact pendant plus de deux heures...ou les américains se poseront bien des questions sur le sort du haut dignitaire soviétique...

Paradoxalement, les américains constateront en 1972 que les Chinois avaient des procédures beaucoup plus proches des leurs que les soviétiques, beaucoup moins "rustiques"...sans doute une question de culture...

1 commentaire:

  1. La dernière photo ne représente pas un Il-62 mais un Il-86. Sinon j'adore ce genre d'anecdotes !

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