lundi 29 juillet 2013

Air Force One, des hélices aux jets

La mise à la retraite du "Sacred Cow" va laisser la Maison Blanche sans appareil présidentiel...

Un nouveau destrier haut en couleur pour Harry Truman..l'"Independance"

Harry Truman ne va pas rester sans avion : il lui faut un nouveau destrier, et l'USAAF se tourne de nouveau vers Douglas en demandant le dernier né de l'avionneur, le DC-6, ou C-118 dans la nomenclature de l'USAAF. La Maison Blanche demande à American Airlines si elle accepterait de vendre l'un de ces appareils pour le président des Etats-Unis….et American s'exécute sur le champ ! Le 29ème DC-6 en production est sorti de la ligne pour être acheminé dans un coin isolé et gardé 24h sur 24 de l'usine Douglas.


L'appareil est modifié, l'arrière étant transformé en compartiment présidentiel, pendant que la cabine est aménagé pour acceuillir 24 passagers en mode grand confort, ou 12 passagers avec des couchettes. Autre nouveauté, l'appareil possède dans le nez un radar météo, encore expérimental à l'époque.

L'appareil est livré à l'USAAF le 4 juillet 1947. Mais comment nommer cet appareil ? Beaucoup de propositions, mais finalement ce sera "Hank" Myers, le pilote présidentiel qui proposera "Independance" rappelant les valeurs américaines…et surtout la ville natale du président ! Truman apprécie l'idée, et le problème est réglé : l'avion s'appellera donc l'Independance, et portera une livrée particulière représentant un aigle le long du fuselage, dont le nez est constitué du radar météo, et les yeux des hublots du cockpit. C'est un peu criard, mais Harry Truman aime l'appareil…et le débat en reste là !

Vue du compartiment présidentiel de l'Independance, avec le fauteuil présidentiel à droite

Le DC-6 étant un appareil nouveau, Myers prévoit de partir faire plusieurs centaines d'heures de vol d'endurance pour bien prendre en l'appareil…mais le destin en voudra autrement. Nous sommes fin juillet 1947, et l'ambassadeur de Grèce aux Etats-Unis vient de décéder. Le département d'état décide de rapatrier son corps par avion plutôt que par bateau, mais le cercueil ne rentre pas dans la "Sacred Cow". Ce sera donc l'"Independance" qui se chargera de la mission…et encore, le cercueil peut être monté dans la cabine…mais doit rester en travers car il n'y a pas la place de le tourner. Les membres de l'équipage qui doivent traverser la cabine doivent enjamber le cercueil…d'une manière manquant totalement de dignité…Au final, une planche et un drap vont transformer le cercueil en bar…il y a certaines choses qu'on ne peut raconter que 50 ans après les faits…

Autre anecdote au sujet de cet appareil, plus joyeuse : un jour, alors qu'il rentre de Rio de Janeiro avec à son bord le ministre des finances américain, John Snyder, le moteur numéro 1 toussote et tombe en panne. Le Col Myers en informe le sol, et la base situé sur le canal de Panama se dépêche d'envoyer sur place un B-17 équipé avec du matériel de sauvetage et un P-47 d'escorte. Myers aperçoit ses "sauveteurs" passer plusieurs centaines de mètres sous lui…il les appelle donc à la radio pour leur signaler qu'il est toujours à 6000 mètres d'altitude à une vitesse légèrement réduite, mais pas au ras des flots en train de se traîner tel un animal blessé ! Ses sauveteurs feront demi-tour, tout étonné de la puissance de l'appareil, même sur trois moteurs !

Le colonel Francis Williams, pilote de l'Independance

En janvier 1948, une transition a lieu : le colonel Myers, le premier (et seul à l'époque) pilote présidentiel démissionne de l'armée. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce n'est pas à cause de sa fonction, mais plus à cause de la bureaucratie qui commence à envahir l'armée…et du Pentagone qui veut le faire général, ce qui l'enverrait aux commandes d'un bureau, ce qui est hors de question pour lui. Il est remplacé comme pilote présidentiel par son copilote à bord de beaucoup de vol de l'Indépendance, le colonel Francis "Frenchie" Williams.

Beaucoup moins aventureux que son prédécesseur, et avec un franc parler beaucoup moins prononcé, il n'en est pas moins un excellent pilote, qui a toute la confiance du président…mais surtout de la first lady, Bess Truman, qui n'a pas du tout confiance  en avion !

L'independance au musée de Dayton

En Mai 1953, l'Independance est rétrogradé comme transport VIP pour l'USAF, ses marquage de cirque sont effacés. Nouveau président, nouvel avion. Le nouveau président en question est Dwight Eisenhower, dit "Ike", ancien commandant suprême des forces alliés en Europe, il avait ses habitudes en Lockheed "Constellation", et va donc demander un "Constellation" en avion présidentiel, reléguant le fringant "Independance" au rang d'avion de transport VIP, comme l'Air Force en possède des dizaines.

L'Indépendance se trouve aujourd'hui à côté du "Sacred Cow" au musée national de l'Air Force à Dayton dans l'Ohio.

Nouvel avion, le 48-610, mais aussi nouveau pilote. Ike va ainsi lancer une tradition qui perdure jusqu'à aujourd'hui : nouveau président signifie également nouveau pilote présidentiel. Le colonel William "Bill" Draper est nommé par Ike comme pilote présidentiel (et conseiller militaire à la maison blanche, ce qui ne lui laissera pas beaucoup de temps libre dans son emploi du temps !). Bill Draper était le pilote d'Ike durant son tour en Europe comme SACEUR (Supreme Allied Commander in Europe) et les deux hommes sont devenus amis.

Le "Colombine II" au service d'Ike


Ike va baptiser son nouveau VC-121 (nom militaire du "Connie") "Colombine II", du nom de la fleur officielle du Colorado, état d'origine de Mamie Eisenhower. C'est aussi durant les années Eisenhower, en 1953 pour être précis, qu'un incident va donner naissance au "callsign", indicatif radio, "Air Force One" que tout le monde connait.

A cette époque, le code radio de l'appareil présidentiel n'a rien de particulier, il s'agit tout bêtement du numéro de série de l'appareil. "Colombine II" s'appelle donc "Air Force 8610" pour les contrôleurs, ce qui ne posait pas de soucis, jusqu'au jour où un vol de Eastern Airlines, nommé 8610 se trouve dans le même secteur…il s'ensuit une confusion entre le contrôleur et les deux pilotes…aucun incident à déplorer, mais il faut trouver un nom pour l'appareil présidentiel. Ce sera "Air Force One"

William Draper aux commandes de "Colombine"


Quelques précisions : il s'agit d'un code radio, et pas du nom de l'appareil ! Il s'applique à tout avion de l'US Air Force, à partir du moment où le président en exercice est à bord. Mais le public adopte cet indicatif pour désigner l'appareil malgré tout. Cela signifie que les 747 bleu et blanc transportant le président Obama ne s'appellent Air Force One que si ce dernier est à bord…dans le cas contraire, ils s'appellent respectivement "AF-28000" ou "AF-29000"

De même, si le président se trouve à bord d'un avion de l'aéronavale, son code radio devient "Navy One", ou encore "Marine One" si c'est un appareil des Marines (Cas des hélicoptères verts et blancs, appelés de façon impropre "Marine One", même si le président n'est pas à bord !

L'équipage présidentiel au grand complet, vers 1956...

Bref, maintenant vous saurez d'où vient l'indicatif "Air Force One"

Quelques années plus tard, "Colombine II" sera remplacé par "Colombine III", version dérivée du "Super Constellation", numéro 53-7885, offrant des performances améliorées et un confort accru.

Les années 50 sont surtout connu pour être l'ère du jet, et l'USAF est consciente que, tant pour des questions de confort, de distance franchissable, et surtout d'image à l'international, le président des Etats-Unis se doit de voyager en jet...il fallait encore trouver un appareil adéquat...

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