lundi 29 avril 2013

Le B-58 "Hustler" (2/2)

lien vers la première partie

Le premier prototype sera le 55-0660, livré en Août 1956, effectuant son premier vol le 11 novembre 1956. Il s'agissait d'un dimanche, Convair souhaitant faire un essai "en catimini", mais malgré cela, une foule nombreuse s'était massée à l'extérieur de la base de Carswell pour apercevoir ce premier vol…

Le 56-0660, premier exemplaire du "Hustler"

En réalité, l'appareil n'est pas prêt : beaucoup de choix ont été fait sans confirmation expérimentale, et aucune simulation n'a été effectuée…n'oublions pas que c'est encore l'ère de la règle à calcul ! Le premier vol est donc fait avec un appareil qui ne possède ni électronique, ni radar. L'USAF préfère ne pas tester la postcombustion des réacteurs pour les premiers vols

Le programme d'essai en vol sera long et complexe et va durer jusqu'en avril 1959. 5 des 20 premiers appareils seront perdus dans des accidents, tuant quatre équipages. Le 15 octobre 1959, un Hustler va voler à Mach 2 pendant plus d'une heure, établissant ainsi un record pour l'époque.

Schéma d'aménagement du B-58


Le dernier appareil sera livré en octobre 1962, en pleine crise des missiles de Cuba. Il y aura un total de 116 B-58 produits, dont 30 appareils de pré-série et d'essais, et 8 appareils d'entrainement TB-58A (extérieurement identiques, mais avec double commandes).

Il est intéressant de noter que la version d'entrainement n'avait pas été prévu au départ…seul l'entrainement sur F-102 suivi d'un briefing théorique était au programme des nouveaux venus sur B-58. En réalité c'était plutôt du style "faites ça, ne touchez pas à ça, et allez y, courage !" Ce n'est que devant le nombre d'accident que l'Air Force finira par demander une version spéciale. Le premier TB-58A sera livré en 1960.

Principale complexité de l'appareil : son système de commande de vol. Le B-58 utilisait un système de commande de vol par câbles assisté hydrauliquement. La complexité venait de l'utilisation des elevons (une surface de vol jouant le rôle d'aileron et de plan fixe horizontal, typique sur une aile delta). Un système de couplage et d'assistance hydraulique complexe donnera beaucoup de fil à retordre aux ingénieurs, et beaucoup de sueurs froides aux pilotes en vol.

Un système de commandes de vol particulièrement complexe


Si le vol supersonique présentait ses petits challenges, l'atterrissage n'était pas mal non plus : une approche à 12° d'inclinaison, sur un appareil qui n'avait pas une bonne vue vers l'avant donnait beaucoup de sensations aux pilotes…de plus, l'aile delta imposait des vitesses d'approche beaucoup plus élevées qu'un bombardier classique.

Sil le pilote était bien occupé, il en allait tout autant du Naviagteur, qui devait garder précisément l'avion sur la bonne trajectoire, même à Mach 2, et pour le DSO, qui était aussi ingénieur de vol. Le système de carburant par exemple était d'une grande complexité, nécessitant des transferts continus de xarburant d'un réservoir à l'autre suivant la vitesse pour maintenir le centre de gravité dans le bon intervalle et minimiser la trainé, exactement comme sur Concorde 20 ans plus tard ! Pourtant pour le B-58, la tâche du DSO n'était pas aidée par le fait que des valves tombaient régulièrement en panne, ainsi que les jauges de carburant. En ce cas, seules les notes de vol du DSO lui permettait de s'en sortir.

Le cockpit du navigateur-bombardier...un peu à l'étroit...


Du côté du SAC, il est intéressant de noter que le bombardier "moyen" que représentait le B-58 ne faisait pas l'unanimité, loin de là. Certes rapide et sophistiqué, il était vu comme ayant un rayon d'action trop limité pour être vraiment utile. Le général McConnell notera que "tant que c'est la Russie et non le Canada qui est l'ennemi, la portée était primordiale. Sur pression de l'état-major de l'USAF et parce qu'il avait un grand besoin de bombardier, Curtiss LeMay finira par accepter l'appareil…ou au moins le tolérer au sein de "ses" bombardiers.

Les équipages seront triés sur le volet, et représentaient l'élite du SAC. Les futurs membres d'équipage du B-58 devaient être qualifiés et aligner au moins 5000 heures de vol pour les pilotes. Ils commençaient par subir une formation de chasseur sur F-102 avant de pouvoir prendre les commandes d'un TB-58A avec un instructeur à l'arrière.

Extrêmement coûteux, le programme aura coûté pas loin de 3 milliards de dollars à l'Air Force. Même en service, l'appareil demeurait très complexe, et il demandait trois fois plus de maintenance qu'un B-52, et surtout des outils sophistiqués et de la main d'œuvre très qualifiée. Il fallait à peu près 35 heures de maintenance par heure de vol pour garder l'appareil en état.

Quelques vues du B-58 en service

Extrêmement performant, l'appareil pouvait voler à Mach 2, et pouvait monter à près de 235 mètres par seconde lorsque il n'était pas trop chargé. En contrepartie, c'était un avion très exigeant, demandant une attention constante de la part de ses trois membres d'équipage. Une panne de moteur à vitesse supersonique était très difficile à compenser, et il fallait que le pilote réagisse dans la seconde pour ne pas perdre l'appareil. Voler dans un appareil qui parcourt 30 km à la minute n'est pas anodin !

Au début des années 60, le B-58 va pulvériser quasiment tous les records du monde pour lesquels il pouvait conquérir : vitesse, altitude, endurance etc…il va accumuler un palmarès impressionnant en à peine quelques mois : trophée Bendix, trophée Hammon, trophée McKay, coupe Blériot etc...

Ses beaux records cache une autre réalité : un appareil très dangereux. Sur toute sa carrière, un total de 26 appareils seront détruits lors d'accidents, soit 22% de la production totale. En témoigne le fait que le B-58 se rendra deux fois au salon aéronautique du Bourget, en 1960 et 1964…et s'écrasera les deux fois lors de sa présentation.

Le B-58 opérationnel avec son armement...dont le canon de 20 mm à l'efficacité douteuse


Le "Hustler" restera en service pendant seulement 10 ans. Il équipera ainsi le 43rd Bomb Wing à Carswell AFB jusqu'en 1964, puis à Little Rock AFB, et le 305th Bomb Wing à Bunker Hill AFB (Grissom AFB aujourd'hui). Dès 1965, Robert McNamara voulant réduire le budget du SAC, ordonnera l'arrêt des vols en 1970. Durant cette décennie, la majorité des B-58 seront en alerte pour le SAC, stationné en bout de piste, réservoirs pleins et avec une bombe nucléaire prête à être armée, attendant un ordre qui heureusement n'est jamais venu. Ce sera là sa seule mission ou presque, en compagnie des B-52 et B-47.

Une autre raison expliquant cet arrêt brutal venait du changement de doctrine du SAC, passant du bombardement à haute altitude à la pénétration à basse altitude, suite à l'apparition de nouvelles menaces, comme les missiles guidés de type SA-2 "Guideline". Or si le B-58 pouvait atteindre Mach 2 à haute altitude, il perdait tout son avantage à basse altitude où il ne pouvat guère passer le mur du son,  l'air étant beaucoup plus dense, ce qui réduisait encore son rayon d'action déjà faible par rapport aux grands bombardiers comme le B-52.

Le gagnant du trophée bendix est visible au musée de l'USAF, avec sur la gauche une cabine d'éjection


Le B-58 sera retiré du service en 1970 dans les deux escadres. Stockés à Davis-Monthan. Le dernier vol a lieu en janvier 1970 et les appareils seront presque tous ferraillés en 1977. Seuls 8 appareils survécurent dans différents musées, tous aux Etats-Unis.

En attendant les ferrailleurs...

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