lundi 28 janvier 2013

F-103 "Thunderwarrior"

Vous connaissez déjà le F-102, et aussi le F-104…mais vous n'avez sans doute jamais vu de F-103 ! Appareil qui ne dépassa jamais le stade de la "mock-up" (maquette d'aménagement), le F-103 était un appareil en avance sur son temps, mais qui présenta de telles difficultés techniques que sa production fut abandonnée purement et simplement.

La genèse du F-103 remonte à 1949, face à la demande de l'Air Force de pouvoir disposer d'un chasseur capable de rivaliser en altitude et en vitesse avec les nouveaux bombardiers soviétiques qui allaient entrer en service. Ce projet devait donner naissance à "l'intercepteur 1954", 1954 étant l'année de la mise en service, et non l'année de production. Ce système sera d'ailleurs rapidement abandonné, les chasseurs entrant rarement en service à l'heure voulue !

vue d'artiste du F-103, le "Thunderwarrior"


Le F-103 sera l'un des premiers appareils conçus dès l'origine en tant que système d'arme et non en tant qu'aéronef sur lequel on viendrait rajouter l'armement à la fin. La complexité galopante de l'électronique et des armes associées nécessitait d'intégrer tous les éléments ensembles depuis le début (ce qui est standard aujourd'hui). Le projet reçut la désignation très poétique de WS-204A, qui se composait de l'avion, d'un radar tout temps, d'un système de contrôle de tir et des missiles proprement dits. L'USAF commença par s'attaquer à la partie la plus complexe : le système de contrôle de tir, faisant appel au MX-1179 de Hughes en octobre 1950. 

En juillet 1951, l'USAF annonce avoir retenu Convair, Lockheed et Republic. On était avant l'époque de Cook and Craigie : chaque compagnie devait proposer et tester une maquette, le projet le plus prometteur serait produit en série. Face à l'escalade des coûts, l'USAF annula le projet de Lockheed peu de temps après. Republic (les concepteurs du P-47 "Thunderbolt") proposa le projet AP-57, un avion très avancé capable de voler jusqu'à Mach 4 et 24 000 mètres. N'oublions pas que le mur du son avait été franchi pour la première fois à peine 4 ans avant ! Pour être ambitieux, c'était ambitieux. L'appareil devait être conçu en titane pour pouvoir résister à l'échauffement cinétique (le fameux "mur de la chaleur" qui se manifeste au alentours de Mach 3)

écorché du XF-103, avec sa double motorisation

Niveau propulsion, on trouvait non pas un mais deux moteurs : une combinaison d'un turboréacteur et d'un statoréacteur, le turboréacteur fournissant la poussée au décollage et atterrissage, ainsi qu'en vol à basse vitesse, le statoréacteur prenant le relais à haute vitesse. Un système de vannes permettait de contrôle le flux d'air entrant. Le turboréacteur devait être un J-67, version sous licence du Bristol "Olympus" (cousin par alliance du moteur du "Concorde") et le statoréacteur un nouveau moteur développé par General Electric.

Tout l'armement prenait place dans des soutes internes, à savoir six missiles air-air Hughes et jusqu'à trente-six roquettes non guidées, ce qui faisait une sacré puissance de feu…aucun canon cependant !

Le fuselage était entièrement lisse, même le cockpit était intégré profondément, ce qui fait que le pilote disposait d'un champ de vision extrêmement réduit : deux petites fenêtres sur les côtés…et un périscope vers l'avant ! Le concept du périscope permettait juste d'avoir la visibilité minimale pour les décollages et atterrissages, le reste du vol s'effectuant aux instruments. Le concept du périscope fut d'ailleurs testé sur un F-84 pour prouver la validité du concept : le visibilité était presque meilleure que sur un F-102, où le cockpit possède une grande barre pile devant le pilote !

La seule chose à ne pas faire futuriste dans cet appareil : la planche de bord...

Le pilote prenait place sur un siège éjectable, qui avait la particularité d'être dans une capsule hermétique, ce qui autorisait des éjections à des vitesses supersoniques. Pour monter à bord de l'appareil, la capsule avec le siège coulissait vers le bas de l'appareil jusqu'au sol, pour que le pilote puisse monter à bord sans échelle. En voyant le système, on peut légitimement penser qu'il aurait fonctionné au Bourget mais serait devenu un cauchemar de maintenance par la suite.

Les ailes présentaient une forte flèche (plus de 55 degrés) mais n'était pas des ailes delta, l'appareil conservant un plan fixe horizontal à l'arrière. Un aileron ventral était également présent, qui devait se plier sur le côté pour les décollages et atterrissages !

la maquette du F-103...l'appareil n'ira pas plus loin. On remarquera la capsule en position basse.

Représentant clairement un saut en avant, l'appareil se révéla trop ambitieux : le titane était difficile à obtenir et encore plus à usiner, le système de tir n'était pas au point. Plus grave encore : le statoréacteur était loin d'être au point, et il n'était pas garanti du tout qu'il puisse fournir la poussée demandée : l'USAF préféra arrêter les frais (au sens propre comme au figuré) en annulant l'ensemble du programme le 21 août 1957, alors même que la maquette avait été jugée satisfaisante par les responsables quelques semaines auparavant. Le F-103 tomba ensuite rapidement dans l'oubli, la maquette et les plans étant détruits peu de temps après. L'ensemble du programme avait quand même coûté 104 millions de dollars (ou 620 millions d'euros au cours actuel !)

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