samedi 13 octobre 2012

AMOR, AMOR (2/2)

Après le choix de l'armée de confier la chasse de ses missiles à des DC-7, il fallait trouver et modifier trois avions. C'est UTA Industries au Bourget, qui sera choisie pour effectuer toutes ces modifications. Il s'agit des mêmes services que ceux qui construiront les Super-Guppy 3 et 4 quinze ans plus tard. Les équipes connaissent bien le DC-7, vu qu'il s'agit d'un appareil qui a beaucoup volé pour UTA (deux des AMOR sont d'ailleurs d'anciens appareils de l'UTA). Le premier appareil rentre en chantier en 1963, et le dernier en sortira en 1967. Ils seront immatriculés F-ZBCA, CB et CC.

F-ZBCA, DC-7 "AMOR" n°1


L'équipage se compose de 15 personnes, dont 5 personnels navigants et 10 opérateurs de systèmes. Malgré des installations de repos, les vols sont longs et fastidieux : un vol de 20 heures ne comportant en général que 1 heure de "mesures" demandant l'attention de l'équipage, le reste étant passé en transit et en attente autour du point cible…il faut dire que les missiles partent rarement à l'heure ! De 1967 à 1978, plus de 200 tirs d'essais de missiles, depuis les premiers tirs d'essai, jusqu'au tirs de maintien en condition des missiles de troisième génération, seront suivis par les 3 DC-7 AMOR.

(source utaasso.com)

Une mission "type" demandait que deux AMOR soient en position autour du point d'impact prévu, afin de pouvoir prendre la cible "en tenaille". Pour cela les deux appareils se plaçaient en circuit d'attente de part et d'autre d'un "couloir" correspondant à la trajectoire de rentrée du missile. Le choix de l'altitude dépendait de la visibilité pour assurer un bon suivi de l'engin pendant sa rentrée. Dès que le signal "missile parti" était reçu, les deux appareils quittaient leur circuit d'attente pour converger vers le point d'impact, tout en attendant d'acquérir la cible au radar. Une fois la cible acquise, les appareils de mesure étaient mis en route, et la poursuite commençait avec le radar ventral et les moyens optiques. L'ogive était suivie jusqu'à son point d'impact, l'un des deux AMOR devant ensuite passer à basse altitude pour "marquer" la cible avec des cartouches fumigènes, permettant ainsi aux navires de repérer le point de chute. L'heure précise et les coordonnées exactes de l'impact servaient à vérifier et affiner les modèles mathématiques de calcul de trajectoire utilisés par la centrale inertielle du missile.

à bord d'un "AMOR" (source utaasso.com)

Les appareils seront basés successivement à Bretigny, au Centre d'Essais en Vol (CEV) puis à Colomb-Béchar, et enfin aux Açores, ce qui présentait des temps de vol beaucoup plus courts pour suivre les impacts des tirs de missiles. Un accord signé avec le gouvernement portugais permettra dès fin 1976 aux appareils de faire escale, avant de mettre à disposition un hangar et des moyens de maintenance.

La modernité des équipements montés sur ces DC-7 leur permettra également d'accomplir bien d'autres missions, plus pacifiques cette fois : études météorologiques, des courants marins, etc.. A noter que les DC-7 seront également utilisés pour étalonner les horloges atomiques mondiales ! Au début des années 70, les AMOR feront ainsi des survols des principales horloges atomiques mondiales pour assurer leur étalonnage, rendu possible par la grande précision des équipements de mesure et des horloges montées à bord.

Le F-ZBCA déjà au musée..mais en meilleur état au début des années 80

La technologie ayant amélioré les moyens de détection et le nombre de tirs d'essais ayant fortement diminué, la section AMOR est dissoute au début des années 80. Les appareils sont mis en sommeil, et leurs équipements démontés, avant que les appareils eux mêmes ne soient ferraillés…sauf un.

Le premier appareil (F-ZBCA) sera donné au Musée de l'Air au Bourget, et se trouve toujours dans ses collections. Garé sur le parking des réserves à Dugny, il n'est pas exposé au public. Encore en parfait état de conservation à l'intérieur, l'extérieur a malheureusement beaucoup souffert du temps. Aucun projet de restauration n'est malheureusement prévu pour cet appareil.

Une décoration pour le moins originale...qui a été appliquée après le retrait de l'appareil.

 Je remercie un bénévole des Amis du Musée de l'Air, dont je ne connais malheureusement pas le nom, d'avoir bien voulu accepter de m'accompagner dans les réserves pour me faire découvrir cet appareil unique et hors du commun.

1 commentaire:

  1. Merci pour cet article passionnant, un projet de restauration vient apparemment de voir le jour !
    http://www.pyperpote.tonsite.biz/listinmae/

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